Al Magharibiya : Après la Décennie Noire, les Écrans Noirs
Le 1er septembre 2024, la chaîne de télévision Al Magharibiya s’est retrouvée plongée dans le noir, non pas en raison de sa ligne éditoriale controversée, mais bien à cause de ses difficultés financières. Eutelsat, l’opérateur de satellites, a retiré le droit de diffusion de la chaîne islamiste sur ses principaux satellites, Nilesat et Hotbird, citant des raisons financières. Cette décision met en lumière la situation critique d’Al Magharibiya, une chaîne qui n’a jamais été étrangère à la polémique, tant sur le plan politique que financier.
Des Écrans Noirs qui Révèlent une Crise Financière
Al Magharibiya, autrefois diffusée sur Nilesat (fréquence 10815 H 27500) et Hot Bird (fréquence 11642 H 27500), a cessé d’émettre aujourd’hui après l’annonce d’Eutelsat en août 2024 de couper son signal à compter du 1er septembre 2024. Cette décision fait suite à des retards de paiement récurrents de la chaîne, qui se trouve aujourd’hui incapable de régler ses dettes. De plus, le personnel de la chaîne subit des retards de salaires, des licenciements massifs sans aucune forme de protection sociale, accentuant une situation déjà précaire.
Des Accusations Infondées contre l’État Algérien
Face à l’arrêt de sa diffusion, Al Magharibiya n’a pas hésité à accuser les autorités algériennes d’avoir exercé des pressions sur Eutelsat pour mettre fin à sa diffusion. Cependant, ces accusations paraissent bien peu crédibles. Eutelsat est une société anonyme, cotée en bourse, qui opère de manière indépendante, et qui, en réalité, cherche à attirer de nouveaux clients en raison de son propre endettement.
Le groupe Eutelsat, né en 2023 de la fusion d’Eutelsat et de OneWeb, opère aussi bien des satellites en orbite géostationnaire (GEO) que des constellations de satellites en orbite basse (LEO). Cette indépendance est corroborée par la diversité de ses actionnaires, incluant des gouvernements français et britannique, des oligarques et Emirs issus des pays du Golfe ainsi que le conglomérat japonais Softbank. Une part significative du capital est également négociée à la Bourse de Paris, où Eutelsat affiche une capitalisation boursière de près de 1,9 milliard d’euros.
Al Magharibiya : Une Chaîne au Service de la Division
Au-delà des considérations financières, Al Magharibiya a toujours été une chaîne controversée. Créée en 2011, elle est souvent perçue comme un outil de propagande du mouvement islamiste dissous, le Front Islamique du Salut (FIS). Ses détracteurs l’accusent de semer la discorde, la haine et la division au sein de la société algérienne. La chaîne a été financée par des acteurs étrangers, notamment des pays du Golfe, du Proche Orient et de l’Afrique du Nord qui auraient récemment décidé de cesser leur soutien financier, précipitant ainsi la crise actuelle.
Ces mêmes financeurs auraient averti le directeur de la chaîne, Oussama Madani accusé de corruption, de l’arrêt imminent des fonds en raison de la ligne éditoriale de plus en plus mensongère, de la mauvaise gestion et de l’échec de leur stratégie de “soft power” visant à influencer la société algérienne.
La Fin d’une Époque ?
L’écran noir d’Al Magharibiya marque-t-il la fin d’une époque pour la chaîne islamiste ? Si ses difficultés financières semblent être à l’origine de son silence, elles révèlent également un désaveu de ses financeurs et, plus largement, une perte d’influence. Cette situation souligne aussi la complexité des enjeux géopolitiques et financiers qui entourent les médias dans la plupart des pays arabes, où l’information est souvent instrumentalisée à des fins politiques.
Le destin d’Al Magharibiya reste incertain. Cependant, cette crise pourrait bien marquer un tournant dans le paysage médiatique algérien, ouvrant la voie à de nouvelles dynamiques, où les enjeux financiers et la crédibilité des médias joueront un rôle déterminant.
L’Avenir d’Al Magharibiya sur les Réseaux Sociaux
Malgré la perte de ses canaux satellitaires, Al Magharibiya ne compte pas disparaître de la scène médiatique. La chaîne entend poursuivre sa propagande via des plateformes en ligne comme YouTube et les autres réseaux sociaux. Si ces plateformes offrent un moyen moins coûteux de diffuser du contenu, elles ne garantissent pas nécessairement le même niveau d’audience ni la même influence qu’une diffusion satellitaire traditionnelle.
Cependant, plusieurs défis se posent pour la chaîne. Premièrement, la transition vers une diffusion principalement numérique pourrait ne pas attirer le même engouement. Une partie de son audience traditionnelle, notamment dans les zones rurales ou parmi les générations plus âgées, pourrait ne pas être familière ou avoir un accès limité à ces plateformes numériques.
Deuxièmement, les difficultés financières persistantes d’Al Magharibiya pourraient s’aggraver. Le personnel, déjà sous-payé et confronté à des retards de salaires, pourrait chercher des opportunités ailleurs, notamment dans des médias plus stables et mieux rémunérés. Cette fuite du personnel affaiblirait encore davantage la chaîne, tant sur le plan de la production de contenu que de la crédibilité.
Une Influence Déclinante ?
Dans ce contexte, il est peu probable qu’Al Magharibiya retrouve le même niveau d’influence qu’elle avait lorsqu’elle était diffusée sur satellite. Sa présence sur les réseaux sociaux, bien que potentiellement large, pourrait ne pas suffire à compenser la perte de son audience traditionnelle. De plus, la baisse de moral et la fuite des présentateurs et techniciens au sein de son personnel risquent de compromettre la capacité de la chaîne à produire du contenu attractif et percutant.
Bien que la chaîne puisse survivre numériquement, elle devra surmonter des défis majeurs pour maintenir son influence. La combinaison de difficultés financières, de l’évasion de son personnel, et de la perte d’une partie de son audience pourrait marquer un déclin significatif de son impact, reléguant Al Magharibiya à un rôle secondaire dans le paysage médiatique algérien.