L’Europe en déclin face à un Golfe qui contrôle désormais la technologie et l’argent : Qui dicte les règles ?

Dans les années 1980, les relations entre l’Union Européenne (UE) et les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) étaient fondées sur un équilibre de pouvoir bien établi. L’Europe détenait la technologie, les idées, et un marché industrialisé, tandis que les pays du CCG, riches en pétrole, fournissaient l’argent frais grâce à leurs vastes réserves d’hydrocarbures. Lors de l’accord commercial de 1989 entre l’UE et le CCG, les produits pétrochimiques constituaient un point de tension. En effet, le CCG, dont l’industrie pétrochimique devenait plus compétitive que celle de l’Europe, a vu ses exportations vers l’UE freinées par des mesures restrictives afin de protéger la pétrochimie européenne.

Cet accord interdisait aux pays du Golfe d’exporter certains produits pétrochimiques vers l’Europe pendant plus d’une décennie, sous prétexte de protéger les industries européennes encore en développement. Mais aujourd’hui, la donne a changé.

Le renversement des forces : argent et technologie

Les pays du CCG ne se limitent plus à l’exportation de matières premières. Grâce à des investissements massifs dans les secteurs de la technologie, des infrastructures, et des énergies renouvelables, ces nations se sont transformées en hubs technologiques de premier plan. Par exemple, le Qatar a conclu des accords stratégiques de fourniture de gaz avec des pays européens comme l’Allemagne, tandis que les Émirats arabes unis (EAU) investissent dans des projets d’hydrogène vert. Dans ce contexte, l’Europe, qui fait face à une crise financière aggravée par la guerre en Ukraine et des turbulences politiques liées aux conflits au Moyen-Orient, notamment à Gaza, se retrouve en position de faiblesse. Les pays du CCG, autrefois partenaire junior, se tournent de plus en plus vers des alliances avec les États-Unis, profitant de l’instabilité géopolitique pour renforcer leurs positions commerciales.

Le sommet UE-CCG : un tournant ou un mirage ?

Le sommet du 16 octobre 2024 entre l’UE et le CCG, une première au niveau des leaders, est présenté comme une occasion de redynamiser les relations stratégiques. Les deux blocs discutent de questions critiques comme la sécurité énergétique, la transition verte, l’intelligence artificielle, et la cybersécurité. Cependant, bien que les discours parlent de coopération, les priorités semblent diverger.

Alors que l’Europe est préoccupée par la guerre en Ukraine et cherche de nouveaux partenaires pour pallier son déficit énergétique suite aux sanctions contre la Russie, les pays du Golfe sont davantage concentrés sur les conflits au Moyen-Orient. Le CCG a adopté une posture ambiguë sur le conflit russo-ukrainien tout en intensifiant son aide humanitaire, et préfère aujourd’hui des partenariats avec des puissances qui respectent ses priorités régionales

Le sommet pourrait certes déboucher sur des accords de coopération dans des domaines comme l’énergie verte ou la technologie, mais les véritables enjeux demeurent la capacité des deux blocs à aligner leurs visions stratégiques sur les crises mondiales et régionales.

L’Europe ne peut plus se permettre de voir le CCG comme une simple source de pétrole. Ces pays sont désormais des acteurs technologiques et financiers majeurs. Alors que l’Europe fait face à des crises internes, elle doit négocier à armes égales avec un Golfe qui possède à la fois l’argent et la technologie. Le sommet de Bruxelles marquera t-il le début d’une nouvelle ère de coopération ou ne fera-t-il que confirmer la fracture croissante entre ces deux blocs ? Les résultats concrets, eux, se feront peut-être attendre.

A propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *