Aujourd’hui, dans Les Matins d’été de France Culture, l’invitée de Julie Gacon était le rédacteur en chef du Monde diplomatique, Akram Belkaïd, pour évoquer les conséquences de l’initiative du chef de l’État. Dans une lettre adressée à son Premier ministre, celui-ci l’a en effet engagé à faire preuve de fermeté dans les relations de la France avec l’Algérie.

Il est loin le temps où Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle de 2017, déclarait haut et fort que la colonisation de l’Algérie avait été « un crime contre l’humanité ». Une fois élu, il avait adouci le ton. Depuis, notamment après sa déclaration intempestive sur la marocanité du Sahara occidental, il s’est attiré l’hostilité du pouvoir algérien.

Entre-temps, dès mars de cette année, son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’était complu à égrener toutes les « vilenies » supposées subies par la France de la part des autorités algériennes. Il affirmait qu’il n’était plus question, selon ses termes, de « raser les murs » au nom de la sauvegarde de la fierté de la France. Plutôt que de rappeler à son ministre que la relation entre la France et l’Algérie relevait de son domaine réservé, l’excluant de ce débat, le chef de l’État, par sa lettre comminatoire, a donné un gage de soutien à Bruno Retailleau.

L’émission de Julie Gacon s’est perdue dans une querelle secondaire autour de la suppression des visas dont, selon la France, bénéficiait une nomenklatura algérienne, à laquelle Alger a répondu en rappelant que la France n’était que locataire des quatre hectares sur lesquels est installée son ambassade à Alger. Mais là n’était pas le cœur du sujet.

L’invité algérien a remis en cause l’initiative du chef de l’État visant à « réconcilier les mémoires » des deux pays sur la colonisation, au prétexte que c’était impossible et que, par ailleurs, les générations postérieures à la guerre d’Algérie ne revenaient pas sur ce passé qu’elles ignorent pour la plupart. Mais M. Akram Belkaïd, grand connaisseur de l’histoire de l’Algérie, s’est fourvoyé.

Rappeler la mémoire de la colonisation, c’est aussi rappeler que la France est redevable d’une dette considérable à l’égard du peuple algérien, et plus directement des Touaregs, pour avoir délibérément et irresponsablement utilisé leur vaste désert comme terrain pour ses premiers essais nucléaires. Des essais menés sans protection suffisante des populations, laissant sur place des déchets radioactifs et provoquant des retombées sur les sables du désert.

L’impréparation manifeste de l’émission de Julie Gacon, conjuguée au silence — volontaire ou non — de son invité, a occulté un point essentiel : contrairement à ce qu’il a affirmé, les jeunes générations en Algérie connaissent désormais cet épisode du passé colonial français. En témoigne le succès de l’émission de Lila Lefèvre, diffusée le 19 février dernier sur Atipik TV, où j’étais invité en tant que témoin de « Béryl », l’essai nucléaire raté du 1er mai 1962 à In Ekker. Cette vidéo a été visionnée 147 200 fois sur TikTok et 84 309 fois sur YouTube au 8 août dernier.

Il est loin, également, le temps où Aurélie Luneau, en 2012, m’invitait dans La Marche des sciences avec feu Raymond Sené pour commenter notre livre Les Irradiés de Béryl. Depuis, vraisemblablement, une forme de censure a privé France Culture de sa liberté d’expression. Elle doit en rendre compte à ses auditeurs, aussi fidèles soient-ils.

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