Didier Reynders, ING et l’ombre persistante des fonds libyens

L’ancien ministre belge et ex-commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, est au cœur d’une enquête judiciaire pour blanchiment d’argent. Au centre du dossier : des dépôts suspects en liquide et le rôle controversé de la banque ING. En arrière-plan, les milliards libyens gelés en Belgique depuis la chute de Kadhafi.
Des dépôts en liquide sous surveillance
Selon les éléments connus du dossier, près de 700 000 euros en espèces auraient été déposés sur les comptes ING de Didier Reynders entre 2008 et 2018. Une pratique inhabituelle pour un responsable politique de ce rang, d’autant que certaines sommes auraient été converties en billets de loterie.
La justice belge tente de remonter la trace de ces flux. D’où provenaient-ils ? Héritage, revenus personnels, ou apports occultes ? Reynders assure de son côté que l’argent provenait de son patrimoine privé.
ING dans le collimateur
L’affaire éclabousse également ING Belgique, gestionnaire des comptes de l’ex-ministre. La banque est soupçonnée d’avoir manqué à ses obligations de vigilance : elle n’aurait pas signalé rapidement les dépôts inhabituels à la cellule de traitement des informations financières (CTIF).
Ce n’est pas la première fois que le groupe ING est pointé du doigt. En 2018, sa maison-mère néerlandaise avait déjà été lourdement sanctionnée pour des défaillances systémiques dans la lutte contre le blanchiment.
Le spectre des milliards libyens
Ce dossier prend une résonance particulière en Belgique, pays où sont gelés, depuis 2011, des avoirs libyens colossaux — plusieurs dizaines de milliards d’euros, notamment dans les coffres d’Euroclear à Bruxelles.
En 2018, un scandale éclate : malgré le gel, les intérêts générés par ces fonds continuent d’être versés à des entités libyennes.
En février 2019, alors ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders signe une lettre évoquant la possibilité d’utiliser ces avoirs pour régler des créances belges. Un document qui a relancé les interrogations sur son rôle exact dans la gestion de ce dossier explosif. Mais à ce stade, aucune preuve ne démontre que Reynders ait bénéficié personnellement de ces flux.
Des accusations anciennes, sans suites judiciaires
En 2019 déjà, un ancien agent de renseignement belge avait accusé Didier Reynders de corruption internationale, citant le Congo, le Kazakhstan… et la Libye. Ces accusations avaient été classées sans suite, faute d’éléments tangibles.
Aujourd’hui, l’enquête sur les dépôts en liquide réactive ces soupçons. Mais là encore, les magistrats n’ont pour l’instant pas établi de lien direct entre l’argent suspect et les milliards kadhafistes.
Une enquête ouverte, un verdict attendu
Les questions restent entières :
• Qui a alimenté les dépôts en espèces ?
• Pourquoi ING n’a-t-elle pas signalé plus tôt ces mouvements ?
• Et surtout : existe-t-il un lien, même indirect, entre ces flux privés et la nébuleuse des avoirs libyens ?
Didier Reynders dément fermement toute infraction. L’enquête suit son cours, mais l’affaire illustre une fois encore la zone grise entre finance, politique et diplomatie.