Échec et mat pour Macron

La surenchère d’Emmanuel Macron dans la crise diplomatique que traverse actuellement la France avec l’Algérie ne fait qu’accentuer encore davantage le fossé de nos différends. Elle repousse un peu plus l’espoir de parvenir, un jour, à une véritable entente cordiale. L’Algérie coloniale n’a jamais été la France, mais deux siècles d’histoire commune nous lient. C’est dans cette tourmente qu’est née la nation algérienne.
Le chef de l’État appartient à une génération qui n’a pas connu la guerre d’Algérie, mais il lui revenait d’engager un dialogue sincère qui aurait permis à la France de se réconcilier avec une Algérie née des souffrances de la colonisation et de la guerre, avec leur cortège incommensurable de morts. Volontairement ignoré par De Gaulle et ses successeurs, notre passé colonial a laissé une empreinte indélébile sur le sol saharien : du massif du Hoggar au Tassili des Ajjers, nos campagnes d’essais nucléaires ont transformé ces régions en véritables poubelles radioactives, parfois au prix de catastrophes comme celle du tir Béryl.
Les populations touarègues en ont été – et en restent – les victimes, irrémédiablement irradiées. Là où, hier encore, 20 000 à 25 000 nomades parcouraient ces espaces habités de villages et de cultures, Tamanrasset compte aujourd’hui près de 180 000 habitants, contre seulement 2 000 dans les années 1960. Les coulées de lave radioactive échappées du Tan Afella, la montagne des tirs souterrains, ont été abandonnées sans aucune protection. Aucun inventaire n’a jamais été réalisé concernant ces déchets, pas plus que pour les matériels contaminés enfouis à même le sol.
Les réparations dues à l’Algérie n’ont jamais été sérieusement évaluées, hormis quelques millions d’euros prévus par la loi Morin de 2010 pour l’indemnisation des victimes. Or, aucune victime saharienne n’a été indemnisée jusqu’à ce jour, alors même que les derniers survivants disparaissent. Il faut désormais prendre en compte un fait scientifiquement établi : les maladies causées par l’exposition à la radioactivité se transmettent de génération en génération. La France a toujours redouté de devoir affronter un mur de dettes, qui pourrait se chiffrer en milliards, voire en dizaines de milliards d’euros.
On objectera : « Mais où trouver l’argent ? » La réponse est pourtant évidente : il suffit de regarder les dépenses colossales engagées pour des projets comme la construction de l’EPR de Flamanville, dont le coût s’élève désormais à 23,7 milliards d’euros, contre 3,3 milliards initialement prévus.
Emmanuel Macron, qui sait si bien dire « j’ai décidé », n’a pas su, en deux mandats, rompre le silence sur cette dette morale et financière envers l’Algérie. Ce geste de reconnaissance à l’égard des Touaregs reste à accomplir.