France–Algérie : une crise provoquée, un dialogue encore possible

En juillet 2024, Paris a enclenché un engrenage diplomatique dont elle n’a toujours pas trouvé la sortie. En reconnaissant officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, Emmanuel Macron a franchi une ligne rouge pour Alger. Ce virage a été perçu comme une provocation directe contre l’Algérie, alliée historique du Front Polisario et défenseuse de l’autodétermination sahraouie. La réaction ne s’est pas faite attendre : rappel de l’ambassadeur, gel de plusieurs coopérations et, très vite, une succession de mesures de rétorsion des deux côtés.

Quand Washington, Londres et Abou Dhabi soufflent sur les braises

Cette crise bilatérale ne se joue pas qu’entre Paris et Alger. Les États-Unis, le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis, tous alliés du Maroc, ont saisi l’occasion pour affaiblir encore l’Algérie sur la scène internationale.

   •   Les États-Unis, depuis la reconnaissance par Donald Trump en 2020 de la marocanité du Sahara, poussent à isoler Alger dans les forums internationaux.

   •   Le Royaume-Uni renforce ses partenariats commerciaux et sécuritaires avec Rabat, grignotant des marchés où l’Algérie aurait pu se positionner.

   •   Les Émirats arabes unis injectent massivement des investissements au Maroc, confortant son poids économique et diplomatique au détriment de son voisin de l’Est.

En s’alignant partiellement sur cette dynamique, la France s’est non seulement coupée d’Alger, mais elle a aussi ouvert un boulevard à ces acteurs pour réduire l’influence algérienne au Maghreb et en Afrique.

La diplomatie parlementaire : un levier ignoré

Pourtant, tout n’est pas figé. Les Assemblées nationales des deux pays pourraient jouer un rôle décisif dans la relance du dialogue. La « diplomatie parlementaire » permettrait de :

  1. Créer une commission mixte franco-algérienne pour traiter en parallèle les dossiers mémoriels, économiques et migratoires.
  2. Réexaminer les accords bilatéraux, notamment celui de 1968 sur l’immigration, dans un cadre apaisé et transparent.
  3. Renforcer les échanges culturels et universitaires, en mobilisant la diaspora algérienne de France comme trait d’union entre les peuples.

Ces canaux parlementaires offrent une marge de manœuvre qui échappe aux crispations de l’exécutif.

Quand et comment reprendre langue ?

Dans le climat actuel, un dialogue officiel au sommet paraît difficile avant l’élection présidentielle française de 2027. Un changement de locataire à l’Élysée — pourquoi pas un profil comme Dominique de Villepin, connu pour ses positions indépendantes en politique étrangère — pourrait rouvrir la porte à une normalisation rapide. Mais attendre passivement serait une erreur : des contacts discrets, via parlementaires, maires de grandes villes et réseaux culturels, peuvent commencer dès maintenant pour préparer le terrain.

Une crise irréversible ? Pas si sûr

L’histoire montre que Paris et Alger ont déjà traversé des crises majeures, souvent sur fond de mémoire coloniale ou de divergences régionales, avant de renouer. Cette fois, la blessure est profonde car elle touche à un dossier de souveraineté. Mais elle n’est pas condamnée à durer éternellement si la volonté politique et la pression populaire s’exercent.

Les peuples, atout majeur pour la réconciliation

Malgré les tensions diplomatiques, les relations humaines restent fortes. La diaspora algérienne en France, riche de plusieurs millions de citoyens et résidents, constitue un lien vivant entre les deux rives. Ces femmes et ces hommes, enracinés dans les deux cultures, peuvent être le moteur d’une réconciliation durable. Ils démontrent chaque jour que l’amitié franco-algérienne est possible, au-delà des calculs géopolitiques.

La crise actuelle a été déclenchée par une décision française qui a rompu l’équilibre fragile autour du Sahara occidental. Les puissances alliées du Maroc en profitent pour isoler l’Algérie. Mais un retour au dialogue est possible, à condition de mobiliser dès maintenant les relais parlementaires et sociétaux, et de préparer un changement de cap politique en France après 2027. Car au-delà des chancelleries, c’est la relation entre deux peuples voisins et liés par l’histoire qui mérite d’être sauvée.

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