Ihsane El Kadi : Un retour public marqué par l’arrogance et le déni
Après avoir recouvré la liberté sous conditions le 31 octobre dernier, Ihsane El Kadi a choisi d’intervenir pour la première fois sur YouTube, s’adressant directement à ses partisans, mais en langue arabe cette fois-ci, un choix inattendu pour cet homme davantage reconnu pour sa maîtrise du français. Cette intervention publique, loin de susciter l’empathie, a surtout révélé des traits de suffisance et une certaine arrogance, qui ne sont visiblement pas amoindris par son expérience en détention.
D’entrée de jeu, El Kadi semble maladroit en utilisant un vocabulaire approximatif en arabe pour décrire son emprisonnement. Par exemple, il se réfère à sa période d’incarcération par le mot « ihtibesse, » qui désigne en bon arabe « réchauffement, » un terme qui prête à confusion et qui trahit son éloignement d’un arabe maîtrisé. Ce détail n’est pas passé inaperçu auprès de ses partisans et observateurs, beaucoup ayant remarqué cette tentative de communication maladroite.
Dans un discours centré sur lui-même, El Kadi parle de lui au pluriel, employant « nous » au lieu de « je, » un choix qui peut paraître pompeux, voire démesuré, surtout lorsqu’il évoque les 22 mois de détention comme une perte pour ses soutiens, ses adversaires et même ceux qui l’ont fait emprisonner. Selon lui, cet emprisonnement a constitué une entrave majeure, tant pour ses projets personnels que pour le pays, affirmant que sa présence manque cruellement au paysage médiatique algérien.
Il n’hésite pas à faire des parallèles audacieux entre son incarcération actuelle et une détention précédente en 1981, soulignant des similitudes entre les deux périodes et affirmant que l’Algérie a subi une stagnation durant ces moments, « tout s’arrête durant l’emprisonnement d’El Kadi », ricane un commentateur. Selon les dires d’El Kadi, la situation actuelle serait pire que durant les années sombres des Groupes Islamistes Armés (GIA), un parallèle qui, une fois encore, semble exagéré et destiné à attirer l’attention.
Dans son intervention, il continue de se percevoir comme le directeur d’un grand groupe médiatique imaginaire (Une radio You Tube et un petit journal électronique), bien qu’il précise que ce groupe imaginaire se trouve sous embargo et scellé par les autorités. Pourtant, il réaffirme son intention de reprendre son poste et de poursuivre son travail malgré des conditions devenues « très compliquées. »
Ihsane El Kadi n’a pas manqué de souligner qu’il a reçu de nombreux témoignages de soutien de la part du public algérien, qui, selon lui, reconnaîtrait la valeur de son « travail éclairé. » Avec une immodestie manifeste, il affirme qu’il a laissé un vide important dans les médias algériens, un « gap » que, selon lui, personne ne serait en mesure de combler. Cette déclaration, teintée d’arrogance, semble chercher à renforcer son image de figure incontournable de la presse algérienne ; « moi, moi, après moi c’est le déluge ».
Cependant, au cours de cette prise de parole, El Kadi a soigneusement évité d’évoquer les véritables raisons de son emprisonnement. Aucune explication n’a été donnée sur les accusations de financements étrangers qui ont entaché sa réputation, ni sur les soupçons de détournement de fonds pour lesquels il est suspecté. Malgré une rhétorique laissant entendre qu’il est une victime de la restriction de la liberté de la presse, beaucoup savent qu’il s’agit d’une affaire de droit commun : des fonds étrangers auraient été perçus sans déclaration officielle, utilisés pour son enrichissement personnel et familial.
Un article récent sur le site d’information d’Atipik soulignait d’ailleurs que cet argent aurait été obtenu dans le but de financer des activités de déstabilisation en Algérie, une accusation grave que l’intéressé n’a toujours pas démentie.
Le retour médiatique d’Ihsane El Kadi laisse donc un goût amer. Pour certains, il pourrait sembler chercher à manipuler l’opinion publique avec des discours sur la liberté de la presse, tandis que d’autres y voient l’aveu implicite d’un personnage complexe, dont les ambitions et les pratiques restent pour le moins controversées.