Pourquoi la Turquie souhaite adhérer aux BRICS ?

L’adhésion potentielle de la Turquie aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) suscite un grand intérêt géopolitique, notamment en raison de son impact sur l’OTAN, l’Union européenne (UE) et les dynamiques mondiales. Le président Recep Tayyip Erdogan a clairement exprimé son désir de participer aux grandes plateformes internationales, ce qui reflète une stratégie visant à équilibrer les relations avec l’Est et l’Ouest. Cette démarche, qui intervient dans un contexte de crise économique profonde en Turquie, pourrait redéfinir la position d’Ankara sur la scène internationale.

Des motivations économiques et stratégiques

La Turquie connaît une grave crise économique, marquée par une inflation de 71,6 %, parmi les plus élevées au monde. Cette situation pousse le pays à chercher de nouvelles alliances économiques pour attirer les investissements étrangers. Les BRICS, composés de puissances émergentes comme la Russie et la Chine, représentent une opportunité pour Ankara de diversifier ses relations économiques au-delà de l’Occident. Le commerce entre la Turquie et ces pays est déjà significatif, avec la Russie représentant 11 % et la Chine 7,2 % des échanges commerciaux turcs en 2022.

L’adhésion à ce bloc permettrait à la Turquie de s’associer à des économies qui s’efforcent de contrer l’hégémonie économique occidentale. Le président Erdogan a souvent exprimé sa frustration quant à l’absence de progrès dans les négociations d’adhésion à l’UE. Face à cette stagnation, Ankara cherche à rééquilibrer ses relations avec des puissances comme la Russie et la Chine, tout en maintenant ses liens avec l’Europe.

Impact sur l’OTAN et l’UE

Si la Turquie rejoignait les BRICS, elle deviendrait le premier pays membre de l’OTAN à intégrer une alliance économique non occidentale. Cela pourrait remettre en question la cohésion au sein de l’OTAN, où la Turquie joue un rôle stratégique crucial en raison de sa position géographique. L’adhésion aux BRICS, bien que principalement économique, pourrait engendrer des tensions au sein de l’alliance militaire. Cependant, certains analystes estiment que la participation d’un membre de l’OTAN dans cette organisation pourrait modérer les tendances anti-occidentales qui émergent parfois au sein des BRICS.

Quant à l’Union européenne, la Turquie reste un partenaire commercial incontournable. En 2022, 31,8 % du commerce extérieur turc s’est fait avec l’UE, pour une valeur totale de près de 200 milliards d’euros. Les relations entre la Turquie et l’UE sont déjà complexes, en raison des différends sur les droits de l’homme, la démocratie et la gouvernance, mais aussi de la question non résolue de l’adhésion de la Turquie à l’UE. Une adhésion aux BRICS pourrait rendre encore plus difficiles les relations politiques avec Bruxelles, tout en accentuant la dépendance économique d’Ankara à l’égard de l’Europe.

Une réorientation stratégique ou un équilibre diplomatique ?

Bien que certains perçoivent cette démarche comme un virage stratégique vers l’Est, l’intérêt de la Turquie pour les BRICS peut aussi être interprété comme une volonté de maintenir un équilibre entre ses relations avec l’Occident et l’Orient. Le président Erdogan a toujours plaidé pour une « politique étrangère à 360 degrés », cherchant à tirer profit de toutes les alliances disponibles, qu’elles soient occidentales ou non occidentales. L’adhésion aux BRICS permettrait à la Turquie de jouer un rôle plus actif dans la redéfinition des relations mondiales, tout en renforçant ses relations avec la Russie, un partenaire économique clé.

D’un autre côté, pour des pays comme la Russie, l’adhésion de la Turquie aux BRICS serait également bénéfique. Elle démontrerait que la Russie est capable de maintenir des relations étroites avec un membre clé de l’OTAN, malgré les sanctions occidentales imposées en raison de la guerre en Ukraine. De plus, Moscou verrait dans cette adhésion un moyen de garantir que la Turquie, malgré ses liens avec l’OTAN, reste proche de ses intérêts économiques et stratégiques.

L’adhésion de la Turquie aux BRICS pourrait avoir des conséquences géopolitiques considérables, non seulement pour la Turquie elle-même, mais aussi pour l’OTAN et l’Union européenne. Sur le plan économique, cela pourrait offrir à Ankara une nouvelle source de stabilité et d’investissements, tout en permettant à Erdogan de diversifier ses alliances internationales. Sur le plan politique, cette adhésion pourrait compliquer ses relations avec ses partenaires occidentaux, tout en renforçant son influence dans un monde multipolaire. Toutefois, cette initiative s’inscrit dans une stratégie globale de la Turquie visant à équilibrer ses intérêts entre l’Est et l’Ouest, plutôt qu’un véritable changement de cap.

La semaine prochaine, la journaliste Lila Lefevre abordera ce même sujet lors de son émission télévisée Le Vrai Dialogue sur ATPIK TV. Elle accueillera des responsables politiques européens et des experts indépendants pour discuter des implications de l’adhésion de la Turquie aux BRICS.

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