Qatar : entre indignation mesurée et diplomatie calculée
La frappe israélienne qui a touché Doha, où résident certains responsables du Hamas, n’a suscité de la part du Qatar qu’une condamnation sobre, presque laconique, du ministre des Affaires étrangères. Une réaction jugée faible par de nombreux observateurs, au regard de la gravité de l’événement et de la sensibilité du sujet.
Certains médias ont avancé que Washington aurait averti Doha en amont des frappes. Le Qatar dément fermement : l’information est arrivée après et non avant. Cette précision n’est pas anodine. Si Doha avait été prévenu en avance, sa crédibilité régionale aurait été entamée et sa neutralité de médiateur remise en cause.
Sur la scène internationale, les réactions n’ont pas tardé. À Bruxelles, le porte-parole de l’Union européenne a exprimé la pleine solidarité avec les autorités et le peuple qatari, rappelant que le Qatar est un partenaire stratégique de l’UE. De son côté, aux États-Unis, Donald Trump – dans un ton inhabituellement compatissant – s’est dit « triste » et a assuré que « cet acte n’aura plus jamais lieu à Doha, un pays allié et stratégique des États-Unis ».
Mais ce silence relatif du Qatar ne relève pas d’une complicité. Il s’inscrit dans une stratégie diplomatique vieille de plusieurs décennies : celle du Qatar médiateur, dont le rôle repose précisément sur une équation fragile.
D’un côté, Doha doit ménager ses opinions publiques arabes, sensibles à la cause palestinienne. De l’autre, il ne peut se permettre de rompre son lien vital avec les États-Unis, qui disposent à Al-Udeid de la plus grande base militaire américaine du Golfe. Le Qatar a aussi intérêt à garder une porte entrouverte avec Israël, car sa médiation dans les crises successives de Gaza lui confère une influence régionale démesurée par rapport à sa taille.
La présence de figures du Hamas à Doha illustre cette ambiguïté. Elle ne découle pas d’un soutien idéologique direct, mais d’un accord tacite entre grandes puissances : leur offrir un lieu de résidence sûr permet de maintenir un canal de communication indirect avec l’organisation, indispensable lors des négociations d’otages ou des cessez-le-feu.
La réaction mesurée de Doha, loin de trahir une adhésion aux frappes israéliennes, traduit donc une prudence extrême : ne pas s’aliéner les Palestiniens, ne pas froisser Washington, et conserver cette image d’« honnête courtier » qui fait du Qatar un acteur central, parfois agaçant mais incontournable, des crises moyen-orientales.
En diplomatie, le silence n’est pas toujours une faiblesse. Il peut être un calcul.
