Tebboune face à la presse algérienne : un entretien sous le signe du réalisme diplomatique

Chaque entrevue périodique accordée par le président Abdelmadjid Tebboune à la presse algérienne est une fenêtre sur les orientations politiques du pays et sa vision des relations internationales. Lors de son dernier entretien, le 22 mars 2025, retransmis par la télévision publique et repris par tous les médias audiovisuels privés, le chef de l’État a abordé avec franchise les tensions diplomatiques récentes, notamment avec la France, tout en affirmant sa volonté d’apaisement.

Une crise franco-algérienne “créée de toutes pièces”

Face à un contexte diplomatique tendu entre Alger et Paris, Abdelmadjid Tebboune a adopté un ton conciliant, minimisant l’ampleur du contentieux actuel. Regrettant une crise “créée de toutes pièces”, il a insisté sur la relation privilégiée qu’il entretient avec Emmanuel Macron, le qualifiant d”alter ego” et de « seul point de repère » dans les relations bilatérales. Le président algérien a ainsi balayé d’un revers de main toute prétendue rupture, tout en pointant l’existence d’un “lobby haineux anti-algérien” en France.

M. Tebboune a souligné la nécessité de traiter directement avec son homologue français ou via leurs ministres des Affaires étrangères respectifs. Il a ainsi réaffirmé sa confiance en Ahmed Attaf, chef de la diplomatie algérienne, pour rétablir un dialogue serein avec Paris.

Une Algérie engagée sur la scène africaine et méditerranéenne

Au-delà de la question franco-algérienne, le président a largement développé sa vision géopolitique. Il a mis en avant le quartet maghrébin regroupant la Libye, la Tunisie, la Mauritanie et l’Algérie, insistant sur son rôle dans la coopération régionale. Contrairement aux craintes exprimées, il a assuré que cette initiative ne visait pas à exclure le Maroc, mais à structurer un espace de coopération intra-africaine sur le modèle d’autres régions du continent.

Dans la continuité de cette stratégie africaine, M. Tebboune a réaffirmé l’engagement de l’Algérie pour le développement économique et commercial du continent. Il a mis l’accent sur la réintégration pleine et entière du pays dans l’Union africaine et son rôle croissant dans les grands projets structurants.

En ce qui concerne la relation avec l’Europe, il a rappelé les liens solides entretenus avec l’Italie et l’Espagne, la Slovénie et la Croatie mais aussi avec des nations d’Europe centrale et orientale, comme la Pologne, la Tchéquie et la Serbie. Il a particulièrement mis en avant le partenariat stratégique avec l’Allemagne, notamment dans le domaine de l’énergie et de l’hydrogène vert.

Une politique de non-alignement assumée

Le président algérien a également réaffirmé la position de non-alignement de l’Algérie sur la scène internationale. Cette posture lui permet, selon lui, de maintenir des relations équilibrées avec toutes les grandes puissances mondiales. “Nous sommes à la fois amis et partenaires des États-Unis, et amis et partenaires de la Russie”, a-t-il déclaré en substance, mettant en avant la capacité de l’Algérie à naviguer habilement entre les différentes influences géopolitiques.

Le Sahara occidental : un contentieux toujours présent

Le président algérien est revenu sur la question du Sahara occidental, un sujet récurrent dans les tensions avec la France et le Maroc. Il a tenu à rappeler que ce conflit reste sous l’ombrelle des Nations unies et que “c’est bien la France qui a créé ce conflit”. Tout en affirmant ne pas être dérangé par l’amitié franco-marocaine, il a dénoncé les récentes visites “ostentatoires” de responsables français dans les territoires occupés du Sahara occidentale, les qualifiant de “violation de la légalité internationale”.

L’affaire Jean-Michel Aphatie et la liberté d’expression en France

En pleine polémique sur la liberté d’expression en France, Abdelmadjid Tebboune a également cité le cas du journaliste Jean-Michel Aphatie, qui a été vivement critiqué pour avoir abordé le sujet sensible de l’usage de gaz toxiques par l’armée française durant la colonisation. “Regardez ce qu’il subit”, a commenté le président, pointant une contradiction dans le discours français sur la liberté d’expression.

Une communication maîtrisée et stratégique

Cet entretien périodique, format désormais bien installé dans la communication présidentielle algérienne, permet à Abdelmadjid Tebboune de réaffirmer ses positions face à l’opinion publique et aux observateurs internationaux. En s’inscrivant dans une logique d’apaisement avec Paris, tout en affirmant l’indépendance et l’activisme diplomatique de l’Algérie, il cherche à rééquilibrer les relations franco-algériennes tout en consolidant la stature internationale du pays.

Cette stratégie de communication, bien que prudente, vise aussi à conforter son autorité en interne, en présentant une Algérie souveraine, proactive et déterminée à jouer un rôle majeur sur la scène internationale.

Une Algérie en quête d’influence et de stabilité

En définitive, cette entrevue a permis à Abdelmadjid Tebboune de marquer son engagement en faveur du dialogue et de la stabilité diplomatique. Entre volonté d’apaisement avec la France et affirmation d’une Algérie forte sur la scène internationale, le président algérien entend positionner son pays comme un acteur incontournable dans les dynamiques régionales et globales.

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