Ursula von der Leyen : un virage à 360° sur la Palestine, entre prise de conscience et calcul politique

Devant un hémicycle attentif et parfois sceptique, Ursula von der Leyen a surpris son auditoire. La présidente de la Commission européenne, longtemps accusée de complaisance vis-à-vis d’Israël, a prononcé un discours en rupture totale avec ses positions passées : reconnaissance explicite des souffrances palestiniennes, dénonciation d’une famine “faite par l’homme”, appel à l’arrêt du massacre et annonce de sanctions inédites contre Tel-Aviv.

Un virage spectaculaire qui ressemble à un 360 degrés pour celle qui, il y a encore quelques mois, se rendait en visite officielle en Israël sans jamais mettre le pied dans les territoires palestiniens.

Des annonces fortes mais limitées

Dans son discours annuel sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen a dévoilé une série de mesures :

  • suspension partielle de l’accord d’association UE-Israël, pierre angulaire des échanges commerciaux ;
  • gel de certains financements bilatéraux, à l’exception de la société civile ;
  • sanctions ciblées contre des ministres israéliens jugés extrémistes et contre des colons violents ;
  • création d’un “Palestine Donor Group” pour coordonner la reconstruction de Gaza.

“Il faut que le massacre cesse”, a lancé la présidente de la Commission, avant de fustiger une “tentative claire” de saboter la solution à deux États.

Réactions contrastées en Europe

Les annonces ont immédiatement déclenché un feu roulant de réactions. L’Espagne, l’Irlande ou encore les Pays-Bas, déjà en pointe sur la critique d’Israël, ont applaudi ce tournant. À l’inverse, l’Allemagne et l’Italie affichent de fortes réserves : suspendre un accord commercial ou cibler des responsables politiques israéliens pourrait fracturer l’UE et coûter cher diplomatiquement.

À Tel-Aviv, la réponse n’a pas tardé : le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar a jugé les sanctions “regrettables”, accusant Bruxelles de “renforcer le Hamas”.

Dans l’hémicycle, si les Verts et une partie des socialistes saluent la nouvelle fermeté de la Commission, beaucoup restent sceptiques : sans calendrier clair, sans visite symbolique dans les territoires palestiniens, ces annonces risquent de rester des promesses.

Une Ursula qui prend toute la lumière

Au-delà des mesures, un fait politique s’impose : Ursula von der Leyen occupe désormais tout l’espace médiatique et diplomatique sur le dossier. Elle relègue au second plan le président du Conseil européen, António Costa, réduit à un rôle de figurant. La présidente de la Commission veut incarner l’Europe qui agit, quitte à bousculer les équilibres institutionnels.

Mais cette stratégie est risquée. En tendant la main à la gauche, Ursula von der Leyen cherche à élargir sa base politique, tout en s’exposant aux critiques de la droite et aux divisions internes des États membres. Le moindre recul sur ses annonces pourrait la transformer en cible idéale pour ceux qui la jugent opportuniste.

Virage sincère ou calcul politique ?

La question demeure : Ursula von der Leyen agit-elle par conviction, ou par calcul politique face à une opinion européenne de plus en plus outrée par le drame de Gaza ? Une chose est sûre : ses paroles ont marqué une rupture. Mais tant que les sanctions ne sont pas mises en œuvre, tant qu’elle n’aura pas posé le pied dans les territoires palestiniens, les doutes resteront.

Pour beaucoup, Ursula von der Leyen a enfin pris la mesure de la tragédie. Pour d’autres, elle n’a fait que changer de discours. Dans les deux cas, elle s’impose comme la figure centrale de l’Europe politique, quitte à faire de l’ombre à tous les autres.

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