France-Algérie : Dans 99.99 % des cas, les aides au développement sont des prêts !

Cet article prend pour point de départ les déclarations fallacieuses de Sarah Knafo, nouvelle députée européenne d’origine marocaine et proche du polémiste intégriste franco-algérien Éric Zemmour, ennemi déclaré de l’Algérie, de l’immigration et de la religion islamique. Sarah Knafo a affirmé que la France verserait 800 millions d’euros par an d’aide au développement à l’Algérie. Cette fausse information, relayée dans les médias français, a provoqué une vive réaction de l’Algérie, qui a porté plainte contre Knafo pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation. Il est d’ailleurs surprenant qu’un pays comme la France, en pleine crise économique, financière et politique — une situation qualifiée d’annus horribilis par certains, dont le Premier ministre Michel Barnier — puisse prétendument allouer près d’un milliard d’euros chaque année à un autre pays.

En réalité, l’aide au développement, souvent présentée comme une réponse bienveillante des pays riches envers les pays en développement, cache en réalité un ensemble complexe d’intérêts économiques et géopolitiques. Derrière l’apparence de la solidarité internationale, l’aide au développement apparaît de plus en plus comme une chimère, un leurre qui, loin de faciliter l’essor des pays destinataires, contribue plutôt à maintenir un équilibre favorable aux nations donatrices. Si cette aide avait réellement été efficace, les pays dits « sous-développés » auraient vu leur situation économique s’améliorer de manière significative au cours des soixante dernières années. Pourtant, ce n’est pas le cas, et cela soulève une question légitime : à qui profite vraiment cette aide ?

L’aide au développement : un outil de domination économique ?

Le système de l’aide au développement a pris forme après la Seconde Guerre mondiale et s’est intensifié dans les années 1960, à une époque où de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine accédaient à l’indépendance. Officiellement, cette aide visait à favoriser le développement économique et social des nouvelles nations et à réduire la pauvreté mondiale. Toutefois, en creusant la réalité de ces interventions, il est évident que l’aide publique au développement (APD) n’a jamais été dépourvue d’intérêts stratégiques pour les pays donateurs.

Il faut dire que l’aide n’est pas un don gratuit. Dans 99.99 % des cas, il s’agit de prêts concessionnels, c’est-à-dire de prêts à des conditions avantageuses, certes, mais qui doivent néanmoins être remboursés. Parfois, ces prêts sont assortis d’obligations pour le pays récipiendaire d’acheter des biens ou services auprès du pays donateur (c’est ce qu’on appelle « l’aide liée »). Ce mécanisme assure ainsi des débouchés pour les entreprises des pays développés et garantit que l’argent versé revient en grande partie dans leurs caisses. Par conséquent, l’aide au développement se présente davantage comme un levier de domination économique et politique que comme un véritable geste de solidarité et ce que l’on donne par la main gauche, on le reprend par la main droite au double voire eau triple et plus encore.

Le cas de la France et de l’Algérie : une fausse polémique

Récemment, la politicienne française d’origine marocaine Sarah Knafo, connue pour ses positions controversées, a affirmé que la France versait 800 millions d’euros d’aide à l’Algérie chaque année. Cette déclaration, immédiatement démentie par les autorités françaises, a suscité une forte réaction de la part de l’Algérie, qui a déposé plainte pour diffamation. En réalité, selon le ministère de l’Économie, l’aide publique au développement de la France à destination de l’Algérie s’élevait à 132 millions d’euros en 2022, bien loin des chiffres avancés par Knafo.

Cette polémique met en lumière une idée fausse répandue : celle que les pays occidentaux, malgré leurs difficultés économiques, continueraient de « subventionner » largement certains pays étrangers, notamment ceux du Maghreb. Or, les chiffres montrent que ces sommes sont modestes en comparaison des flux financiers qui circulent en sens inverse, notamment sous la forme de remboursements de prêts, d’intérêts ou encore de rapatriement de profits par les entreprises multinationales.

Un système de flux financiers asymétriques

Il faut savoir que le système de l’aide au développement repose sur une asymétrie fondamentale : pour chaque euro envoyé du Nord vers le Sud, trois euros remontent du Sud vers le Nord. Ce paradoxe est le résultat d’un ensemble de flux économiques qui échappent souvent au radar de l’opinion publique : remboursement de dettes, transferts illégaux, fuite des capitaux, rapatriement des profits par les multinationales implantées dans les pays en développement, etc. Ainsi, l’APD ne représente qu’un des nombreux mécanismes financiers par lesquels les pays riches maintiennent leur domination sur le Sud.

Les prêts accordés dans le cadre de l’aide au développement, même lorsqu’ils sont concessionnels, doivent être remboursés avec des intérêts. Ces remboursements, auxquels s’ajoutent d’autres charges financières, créent une véritable spirale d’endettement pour les pays bénéficiaires. En 2020, de nombreux pays africains consacraient davantage de ressources au remboursement de leur dette qu’à leurs budgets de santé ou d’éducation, freinant ainsi leur propre développement.

Des objectifs officiels détournés

Les objectifs affichés de l’aide au développement, tels que la réduction de la pauvreté, la lutte contre la faim ou l’amélioration des conditions de vie, ont peu d’impact concret sur les populations des pays bénéficiaires. Si ces objectifs étaient réellement atteints, le visage des pays en développement aurait changé radicalement depuis les années 1960. Pourtant, la pauvreté, les inégalités et la dépendance aux pays riches demeurent des réalités persistantes.

Les accords commerciaux qui accompagnent souvent ces aides renforcent également la domination des pays donateurs. Les aides sont souvent conditionnées à l’ouverture des marchés des pays bénéficiaires aux produits et services des pays donateurs, favorisant ainsi les exportations des puissances économiques tout en fragilisant les industries locales dans les pays en développement.

L’aide au développement, un mirage ?

L’aide au développement, telle qu’elle existe aujourd’hui, semble être un mirage pour les pays en développement. Si, pendant six décennies, cette aide avait réellement été efficace, les pays dits « sous-développés » auraient réussi à sortir du cercle vicieux de la pauvreté. En réalité, il s’agit souvent d’un mécanisme de dépendance financière et économique, avec des bénéfices qui profitent majoritairement aux pays donateurs.

Le système d’aide actuel devrait être repensé pour rompre avec cette dynamique de domination et véritablement contribuer à l’autonomisation des pays en développement. Cela passerait par l’annulation des dettes illégitimes, la fin des conditionnalités économiques injustes et un soutien aux initiatives locales et aux entreprises nationales des pays en développement.

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