Sommet européen : vers une loi pour accélérer les expulsions des migrants irréguliers ?

Lors du sommet européen du 17 octobre 2024 à Bruxelles, les 27 États membres de l’Union Européenne (UE) ont durci leur position face à l’immigration irrégulière. Ils ont unanimement réclamé une nouvelle loi visant à accélérer les expulsions de migrants en situation illégale. En même temps, la proposition controversée de « hubs de retour », des centres de transfert dans des pays tiers, a révélé les divisions internes au sein du bloc, alimentant un débat déjà enflammé par la montée en puissance de l’extrême droite sur le continent. Ce sommet illustre la complexité de la question migratoire en Europe, mêlant pressions politiques internes, réalités géopolitiques, et les défis humanitaires.

L’appel à une loi pour « faciliter, accroître et accélérer » les retours de migrants irréguliers témoigne d’une volonté accrue des pays européens d’agir face à une situation qu’ils jugent intenable. Ce n’est pas la première tentative de légiférer en ce sens. En 2018, une initiative similaire s’était soldée par un échec. Mais le contexte politique a changé, marqué par une droitisation croissante des discours en matière d’immigration. Comme l’a souligné un responsable européen, « le débat a évolué vers la droite », traduisant une pression croissante de l’extrême droite et des partis conservateurs sur les gouvernements.

Cette pression se matérialise par un discours centré sur la sécurisation des frontières et la lutte contre les flux migratoires irréguliers, dans un contexte où l’Europe continue de faire face aux défis humanitaires et sociaux posés par ces migrations. Si Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, a rapporté une baisse de 42 % des passages clandestins aux frontières de l’UE en 2024, cela n’a pas suffi à apaiser les craintes des gouvernements. Au contraire, la demande d’une nouvelle législation traduit une inquiétude persistante quant à la capacité de l’Europe à gérer ces flux, et une impatience face à ce qu’ils perçoivent comme un manque d’efficacité des outils actuels.

Parallèlement aux débats sur l’accélération des expulsions, la question des « hubs de retour » a cristallisé les tensions lors du sommet. Ces centres d’accueil dans des pays tiers pour les migrants expulsés d’Europe, comme ceux que l’Italie a commencés à mettre en place en Albanie, ont suscité une levée de boucliers parmi plusieurs États membres.

L’Allemagne, par la voix de son chancelier Olaf Scholz, et la Belgique, représentée par le Premier ministre Alexander De Croo, ont manifesté leur scepticisme, jugeant ces centres inefficaces et coûteux. L’Espagne, pour sa part, s’est fermement opposée à cette externalisation des centres d’accueil, tandis que la France a opté pour une prudence diplomatique, privilégiant les retours directement dans les pays d’origine lorsque les conditions le permettent.

Le soutien à cette proposition a principalement émané des pays dirigés par des gouvernements plus conservateurs ou nationalistes, tels que l’Italie, la Grèce, la Pologne, ou la Hongrie. Ces pays voient dans ces « solutions innovantes » un moyen de renforcer leur politique de lutte contre l’immigration irrégulière, souvent en opposition à des approches plus libérales ou humanitaires défendues par des pays comme l’Espagne ou la Suède.

Ce durcissement de ton s’inscrit dans un contexte politique marqué par la montée des partis d’extrême droite en Europe. Des figures comme Giorgia Meloni en Italie ou Viktor Orban en Hongrie exercent une influence croissante sur le débat migratoire, en particulier en prônant des solutions de fermeté face aux flux migratoires. En France, Marine Le Pen s’est félicitée de voir l’UE reprendre des propositions qu’elle défend depuis longtemps, notamment la mise en place de mesures restrictives aux frontières.

L’agenda migratoire de l’UE est ainsi de plus en plus modelé par la montée des partis nationalistes, qui instrumentalisent la question migratoire à des fins électorales. En parallèle, certains leaders européens comme Pedro Sanchez en Espagne tentent de réorienter le débat vers les bienfaits de l’immigration légale, notamment pour répondre aux besoins en main-d’œuvre dans plusieurs secteurs économiques.

Le sommet de Bruxelles met en lumière un paradoxe central au sein de l’UE : tandis que l’urgence de légiférer sur l’immigration et les expulsions s’accentue, les divisions internes sur la manière de procéder demeurent profondes. Les initiatives telles que les « hubs de retour » révèlent une fracture entre les pays cherchant des solutions plus sécuritaires et ceux privilégiant une gestion plus humanitaire des migrations.

Face à une crise migratoire qui ne faiblit pas et à la montée de l’extrême droite, l’Union européenne est confrontée à un défi de taille. Trouver un compromis entre fermeté et solidarité devient crucial pour maintenir l’unité du bloc tout en répondant aux préoccupations sécuritaires et humanitaires.

La nouvelle proposition législative réclamée par les 27 devra naviguer dans ce contexte complexe, où chaque pays tente d’équilibrer ses propres priorités internes et ses obligations européennes. L’évolution de cette législation sera un test pour l’avenir de la politique migratoire européenne et pour la capacité de l’UE à rester fidèle à ses valeurs tout en répondant aux défis contemporains.

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