Ihsane El Kadi Libéré après Deux Ans de Détention : Un Acte d’Amnistie et une polémique sur le financement étranger des médias algériens

Ce 31 octobre 2024, le journaliste algérien Ihsane El Kadi, directeur de Radio M et du site Maghreb Émergent, a été libéré de la prison d’El Harrach après deux ans de détention. Accueilli chaleureusement par sa femme et sa fille, Ihsane El Kadi s’affiche souriant, ayant pris un peu de poids malgré une perte de cheveux.

Initialement condamné en juin 2023 à sept ans de prison, dont cinq ans fermes et deux avec sursis, il a bénéficié d’une réduction de peine dans le cadre d’une amnistie marquant le 70ᵉ anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance algérienne. Ce geste symbolique, destiné à libérer plusieurs détenus politiques et de droit commun, inclut également environ 4000 autres prisonniers en Algérie. Cette libération relance les débats sur l’indépendance de la presse et l’implication de financements étrangers dans les médias algériens.

Un Journaliste sous Pression

Arrêté en décembre 2022, Ihsane El Kadi a été condamné en juin 2023 par le tribunal d’Alger à sept ans de prison, dont cinq fermes, pour des faits de droit commun. Les chefs d’inculpation retenus incluaient la réception de fonds étrangers pour « propagande politique » et « atteinte à la sécurité de l’État ». Ces fonds auraient été alloués par diverses organisations, dont Canal France International (CFI), un organisme dépendant directement du ministère des Affaires étrangères français, et des entités américaines et européennes, telles que la National Endowment for Democracy (NED) et l’European Endowment for Democracy (EED)

D’après la Justice algérienne, ces soutiens financiers étrangers ont servi de levier pour inciter à des critiques répétées de l’état algérien et pour promouvoir un climat favorable à un changement de pouvoir. Les proches d’El Kadi et les organisations comme Reporters Sans Frontières (RSF) défendaient, quant à eux, la position que ce soutien visait uniquement à renforcer les capacités médiatiques, soulignant que la liberté d’expression en Algérie est restreinte par des lois strictes, alors que le pays affiche une volonté de contrôle renforcé sur les voix dissidentes. RSF, l’une des ONG les mieux financées au monde, bénéficie de soutiens financiers tels que ceux de l’Open Society, fondée par le milliardaire israélo-américain George Soros. Elle a été créée en partie par des descendants de membres de l’OAS, une organisation clandestine responsable de violences meurtrières durant la guerre d’indépendance algérienne.

Radio M et Maghreb Émergent

El Kadi avait fondé Radio M (Radio Maghreb) et Maghreb Émergent, deux plateformes couvrant principalement les enjeux politiques et économiques algériens. Bien que se présentant comme des médias maghrébins, ces deux médias se concentraient surtout sur les affaires intérieures algériennes, en dénonçant le climat politique et en critiquant le manque de réformes économiques. Cette ligne éditoriale, qui en a fait des références parmi la diaspora algérienne, a cependant engendré des tensions avec les autorités, qui y voyaient une tentative d’affaiblissement des institutions de l’état.

En Algérie, les critiques évoquent également le style de vie d’El Kadi, jugé incompatible avec la situation des journalistes algériens. D’après certains observateurs, El Kadi aurait bénéficié personnellement de financements étrangers, permettant de maintenir un mode de vie aisé, avec des investissements dans l’immobilier et l’éducation de ses enfants en Europe. Des sources locales affirment que les revenus de ces activités médiatiques ont permis à El Kadi de vivre dans des conditions bien supérieures à celles de la moyenne des journalistes algériens.

Le Rôle des Organisations Étrangères dans les Médias Algériens

Les accusations envers El Kadi ne concernaient pas uniquement ses actions en tant que journaliste mais aussi ses relations avec des mouvements politiques controversés. Il a été également accusé d’avoir encouragé une alliance entre certaines figures laïques et le mouvement Rachad, un groupe islamiste formé par d’anciens membres du Front Islamique du Salut (FIS). Ce mouvement inclut des personnalités comme Mohamed Zitout, basé au Royaume-Uni, et Mourad Dhina, réfugié en Suisse, connus pour leurs activités islamistes extrémistes à l’international. Le gouvernement algérien considère Rachad comme une organisation terroriste visant à déstabiliser l’État algérien, une accusation qui ajoute un poids supplémentaire aux charges contre El Kadi.

“Arabesque Américaine” et la Question de l’Ingérence

L’écrivain algérien Ahmed Bensaada, dans son ouvrage Arabesque américaine, analyse le rôle des ONG et des fondations, telles que la NED, dans le soutien aux révolutions et mouvements de contestation dans les pays arabes, y compris l’Algérie. Ce livre avance que des figures comme El Kadi sont soutenues pour influencer le débat public et instiguer des changements sociopolitiques favorables à des intérêts étrangers. La thèse de Bensaada alimente ainsi le discours sur une ingérence étrangère visant à affaiblir le gouvernement algérien en soutenant des organisations dissidentes et des médias critiques.

Une Libération Conditionnelle et des Défis à Venir

La libération d’Ihsane El Kadi s’inscrit dans un contexte de commémoration nationale mais laisse en suspens de nombreuses questions. Son cas soulève le débat sur les limites de la liberté de la presse et les financements étrangers, perçus comme une menace pour la souveraineté, sont de plus en plus avérés ciblant des pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Syrie, le Liban et d’autres pays similaires.

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