Tourisme au Maghreb : entre massification marocaine et écotourisme algérien, deux modèles qui s’affirment
Le Maroc et l’Algérie, voisins et rivaux géopolitiques, développent des approches contrastées en matière de tourisme. Quand le premier s’appuie sur une industrie touristique bien structurée et tournée vers le volume, le second mise, plus prudemment, sur l’écotourisme et la valorisation du retour de sa diaspora. Deux visions qui interrogent les choix économiques, sociaux et environnementaux des deux pays.
En 2024, le Maroc a accueilli 17,4 millions de visiteurs, dont 8,6 millions de Marocains résidant à l’étranger. Le royaume bénéficie d’un fort ancrage touristique : infrastructures modernes, connectivité aérienne, diversité des offres culturelles, religieuses et balnéaires. Le tourisme de masse y est pleinement assumé, concentré sur les grandes villes, les stations atlantiques, ainsi que les circuits du désert. Mais cette dynamique s’accompagne de certaines dérives préoccupantes, notamment l’essor du tourisme sexuel, qui mine des villes comme Marrakech et Agadir. Le phénomène, encore largement sous-estimé par les autorités, interroge sur les effets pervers d’un tourisme peu régulé.
Le littoral marocain, bien que pittoresque, est relativement limité en Méditerranée : environ 500 km, du Rif jusqu’à Saïdia. À l’inverse, l’essentiel de l’activité balnéaire se concentre sur la façade atlantique.
L’Algérie, de son côté, affiche une ambition différente. Avec 3,5 millions de touristes en 2024, dont 1,09 million d’Algériens de la diaspora, elle reste loin derrière son voisin, mais construit un modèle touristique plus discret, fondé sur l’écotourisme, le tourisme intérieur et la revalorisation du patrimoine naturel. Le pays dispose pourtant d’un atout majeur encore peu exploité : 1 600 km de côtes méditerranéennes, réparties sur des plages souvent vierges, des criques sauvages et des zones maritimes protégées, de l’ouest d’Oran jusqu’aux confins de l’Est à El Kala.
Malgré ce potentiel, la politique touristique algérienne reste marquée par des obstacles structurels : infrastructures insuffisantes, bureaucratie, manque de formations, accès aérien restreint. L’écotourisme, développé notamment dans le Hoggar, les Aurès ou la Kabylie, séduit un public en quête d’authenticité et de sobriété, mais reste encore marginal face aux attentes internationales.
Le Maroc, avec sa stratégie d’ouverture, a transformé le tourisme en levier majeur de croissance, au prix parfois d’un impact sociétal et environnemental préoccupant. L’Algérie, en revanche, reste à la croisée des chemins : avec un littoral bien plus vaste et un arrière-pays exceptionnel, elle peut devenir un modèle alternatif de tourisme durable en Méditerranée. Mais pour cela, une politique volontariste, modernisatrice et éthique devra accompagner cette vision, afin de bâtir une industrie qui conjugue attractivité, souveraineté et respect de l’environnement.
