Belgique francophone : la diversité dans le journalisme, une évolution au ralenti sur dix ans

Le monde journalistique belge francophone reste largement homogène, malgré une décennie de discussions sur la diversité. C’est le constat posé par une nouvelle étude réalisée par l’Association des Journalistes Professionnels (AJP) et l’Observatoire de Recherche sur les Médias et le Journalisme (ORM) de l’UCLouvain, cette enquête actualise une première analyse menée en 2012, en s’interrogeant sur les avancées – ou leur absence – au sein des rédactions.

Dix ans après, le profil type du journaliste reste identique : un homme blanc, universitaire, de 47 ans. Quant à la parité de genre, elle demeure une chimère dans le milieu. Les projections suggèrent que l’égalité entre hommes et femmes dans les rédactions ne sera atteinte qu’en 2064 si la situation reste inchangée.

Un autre phénomène inquiétant souligné par le rapport est celui du « leaky pipeline » ou « tuyau percé », décrivant l’érosion progressive de la représentation féminine dans la profession. Bien que les femmes représentaient près de la moitié des journalistes de moins de 30 ans en 2012, cette proportion a chuté à moins de 43 % en 2023. Les causes évoquées incluent des stéréotypes de genre persistants, des inégalités dans l’accès aux responsabilités, et des horaires peu compatibles avec une vie familiale.

Sur le plan socioculturel, le tableau n’est pas plus reluisant. Les rédactions peinent à attirer des profils issus de minorités ou de milieux défavorisés. Les responsables hiérarchiques, bien que conscients de l’enjeu, évoquent des contraintes organisationnelles freinant la mise en œuvre de politiques inclusives.

Pourtant, l’étude met en lumière un soutien global à la diversité parmi les journalistes eux-mêmes, qui la perçoivent comme un facteur d’enrichissement pour les rédactions. Les freins semblent davantage structurels que culturels, avec un manque de volontarisme au sommet des organisations.

L’analyse repose sur une méthodologie rigoureuse, comprenant un questionnaire distribué à plus de 500 journalistes et des entretiens qualitatifs avec des responsables de rédaction. Malgré une sensibilisation croissante, l’évolution des pratiques reste marginale, laissant le secteur en décalage par rapport à d’autres domaines professionnels où la diversité a davantage progressé.

Ce constat appelle à une refonte des pratiques, avec un effort soutenu pour diversifier les recrutements, améliorer l’inclusivité organisationnelle et promouvoir des figures inspirantes issues de groupes sous-représentés. La question n’est pas seulement celle de la justice sociale, mais aussi celle de la crédibilité des médias, dans leur capacité à refléter la richesse et la complexité de la société.

Une initiative récente montre toutefois que l’innovation est possible : Atipik TV, une télévision belge francophone internationale en cours de lancement, place la diversité au cœur de son identité. Avec 80 % de ses journalistes et techniciens issus de milieux divers, vivant en Belgique ou ailleurs, Atipik TV cherche à faire rayonner la Belgique francophone dans le monde tout en adoptant le français comme socle linguistique. Innovante dans son positionnement par rapport à des chaînes établies comme TV5, Atipik TV espère trouver son public et surtout attirer le soutien financier des autorités régionales et fédérales belges.

Cependant, la chaîne pointe déjà un problème récurrent dans le secteur : la discrimination dans le financement des médias francophones en Belgique. Atipik TV, en valorisant la diversité comme moteur d’innovation, pourrait devenir un modèle pour un secteur qui peine à évoluer, à condition de recevoir un soutien équitable et à la hauteur de ses ambitions.

Si des avancées significatives ne sont pas réalisées rapidement, le journalisme belge francophone risque de rester figé dans un modèle désuet. Des initiatives comme Atipik TV démontrent qu’un autre chemin est possible, mais leur succès dépendra également d’une volonté collective de briser les barrières structurelles et financières qui freinent le changement.

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