Beyrouth frappe à la porte d’Alger : visite de courtoisie ou appel à l’aide ?

Le président libanais Joseph Aoun, tout récemment élu dans un contexte national chaotique, s’est rendu à Alger où il a été accueilli par le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Derrière les déclarations de circonstance, cette visite illustre un rapport asymétrique : un Liban en quête de soutien, et une Algérie qui affine sa posture régionale.
Le pays du Cèdre traverse une crise multidimensionnelle : effondrement économique, paralysie politique, précarité énergétique. Déçue par les promesses non tenues d’Emmanuel Macron, Beyrouth tente une manœuvre de rééquilibrage stratégique. En se tournant vers Alger, le Liban cherche un interlocuteur stable, non-aligné, capable d’offrir un appui technique et un relais diplomatique discret. Mais sur le fond, c’est bien le Liban qui tend la main — et l’Algérie qui l’écoute, sans se presser.
Depuis plusieurs mois, Alger s’emploie à réactiver sa présence dans les affaires arabes : médiations en sourdine, hospitalité , sommet diplomatique actif. La venue du président Aoun s’inscrit dans cette logique. L’Algérie, fidèle à sa ligne de non-ingérence, ne sollicite rien, mais capitalise sur ces visites pour renforcer son image d’acteur central, respecté et prudent.
Fait marquant : Abdelmadjid Tebboune a conféré à Joseph Aoun la plus haute distinction algérienne, l’ordre du mérite national, un geste à forte portée symbolique qui signale l’importance stratégique accordée à cette visite, malgré son traitement discret par les médias.
En marge de la visite, Joseph Aoun a reçu à l’ambassade du Liban à Alger Ibrahim Boughali, président de l’Assemblée populaire nationale (APN). Une rencontre sobre mais éloquente, qui confirme le sérieux diplomatique de l’échange. Autre moment fort : la visite du président libanais à la basilique Notre-Dame d’Afrique, haut lieu spirituel et patrimonial d’Alger, où s’exprime un message de fraternité méditerranéenne au-delà des clivages politiques.
Officiellement, les discussions ont porté sur la coopération bilatérale, notamment dans les domaines de l’énergie et de la culture. Officieusement, des sujets sensibles — la Palestine, la Syrie, ou les jeux d’influence du Golfe — ont sans doute été abordés avec prudence.
La réalité est simple : le Liban appelle, l’Algérie observe. Et dans cette séquence, c’est Alger qui donne le tempo, en silence mais avec méthode.