Deux petits milliards pour la Syrie : l’Europe compte-t-elle ses sous ?

Hadja Lahbib, commissaire européenne à la Préparation et à la Gestion des crises et Ahmad Asharaa, président syrien par intérim.

L’Allemagne promet l’équivalent de 300 millions d’euros, et le Danemark contribue avec près de 100 millions. Ce lundi 17 mars 2025, l’Union européenne tient sa réunion annuelle des donateurs pour une Syrie ravagée par la guerre, un peu plus de trois mois après la chute brutale du régime de Bachar al-Assad. Mais cette fois, le ton a changé : fini l’aide humanitaire massive aux réfugiés, place à la « reconstruction ». Une reconstruction financée au compte-gouttes.

Une aide symbolique et sous contrôle

Pour la première fois, un représentant du nouveau gouvernement syrien, le ministre des Affaires étrangères par intérim Asaad al-Shaibani, est présent à Bruxelles. Son chef, le président par intérim Ahmed al-Sharaa, est arrivé au pouvoir en décembre dernier après avoir mené une coalition de factions rebelles, dont son propre groupe HTS (Hayat Tahrir al-Sham), contre Damas. HTS, rappelons-le, il y a peu de temps, était classé comme organisation terroriste.

L’optimisme de la communauté internationale reste donc mesuré, d’autant plus que les violences continuent : plus de 1 200 civils, majoritairement issus des minorités alaouite et chrétienne, ont été tués ces dernières semaines sur la côte syrienne. En réponse, Al-Sharaa a mis en place une commission d’enquête et signé un document constitutionnel provisoire garantissant certains droits fondamentaux, tout en instaurant un régime islamiste.

Malgré ces fragiles avancées, l’aide annoncée par l’Europe semble bien maigre. L’Allemagne consacrera ses 300 millions d’euros à l’ONU et à quelques organisations triées sur le volet pour soutenir le « processus pacifique », selon la ministre Annalena Baerbock. Le Danemark, par la voix de Lars Løkke Rasmussen, justifie son soutien par « les nouveaux vents politiques » soufflant sur la Syrie. Mais ces engagements restent dérisoires face aux promesses du passé.

Un gouffre avec l’aide allouée à l’Ukraine

Lors de la huitième conférence sur la Syrie, au printemps 2024, avant la chute d’Assad, la communauté internationale avait promis 7,5 milliards d’euros d’aide, dont 6 milliards venant de l’Europe. Aujourd’hui, les chiffres sont en chute libre. Pourquoi un tel revirement ? Deux raisons principales : d’abord, les États-Unis, jadis premiers donateurs humanitaires, réduisent drastiquement leur engagement, comme en témoigne le démantèlement en cours de l’USAID, leur agence de développement. Ensuite, la France, engluée dans sa propre crise économique, est aux abonnés absents et n’a annoncé aucun soutien financier comparable à celui de l’Allemagne.

Et pendant ce temps, l’Europe continue de signer des chèques en blanc pour l’Ukraine, où les milliards coulent à flots. La Syrie, elle, devra se contenter de deux milliards, assorti de conditions strictes et d’un contrôle serré. Une aide au goût amer, qui illustre un désengagement progressif du monde occidental envers un pays laissé à son sort.

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