Drareni – Brahimi : deux visages, un même miroir trouble du journalisme méditerranéen

Derrière l’image lisse de figures engagées, se dessine une réalité bien plus ambiguë. La Fondation Anna Lindh (FAL), censée rapprocher les sociétés civiles des deux rives de la Méditerranée au nom du dialogue et de la compréhension mutuelle, devient le théâtre d’un étrange duo : Rym Brahimi et Khaled Drareni. Tous deux journalistes surmédiatisés, ils partagent davantage qu’une nationalité algérienne : une capacité rare à façonner leur image publique en fonction de leurs intérêts personnels, quitte à tordre les principes de leur profession.
Rym Brahimi : trajectoire dorée, influence opaque
Fille de Lakhdar Brahimi, ex-diplomate et éphémère ministre des Affaires étrangères durant l’Algérie des années noires, Rym Brahimi n’est pas une autodidacte du journalisme. Propulsée correspondante de CNN à Amman, elle doit ce tremplin autant à ses compétences qu’à l’influence diplomatique de son père, proche des cercles du pouvoir à Washington et dans le Golfe. Son mariage avec Ali, demi-frère du roi jordanien, parachève cette ascension vers les hautes sphères.
Aujourd’hui à la tête de la Fondation Anna Lindh, Rym Brahimi distribue les financements culturels et médiatiques du Sud méditerranéen. Officiellement selon des critères transparents. En pratique ? Le soupçon de favoritisme et de réseautage verrouillé n’est jamais loin.
Khaled Drareni : une neutralité à géométrie variable
De son côté, Khaled Drareni s’est forgé une image de martyr de la presse libre algérienne. Son incarcération en a fait une figure médiatique internationale, notamment adoubée par Reporters Sans Frontières, dont il est aujourd’hui le représentant en Afrique du Nord. Mais cette reconnaissance cache une face moins reluisante : gestion d’un média en ligne financé par des fondations européennes, parti-pris éditoriaux alignés sur des intérêts occidentaux, et surtout, des silences révélateurs.
Le dernier en date : une interview de Rym Brahimi, conduite avec une complaisance déconcertante. Aucune question sur la situation de la presse jordanienne, notoirement muselée. Aucun mot sur l’absence de réforme médiatique concrète dans un pays où elle est censée avoir de l’influence. À la place, un portrait flatteur, où l’ancienne correspondante est présentée comme modèle à suivre pour les jeunes journalistes algériens.
Un duo au service d’un journalisme d’apparat
Que reste-t-il alors du journalisme de vérité, d’enquête, de courage ? Face à des parcours tissés d’opportunismes, où la loyauté varie selon les intérêts diplomatiques ou financiers du moment, la profession se trouve trahie. Ce n’est pas le confort ou la réussite qui est en cause, mais la dissonance flagrante entre l’image véhiculée et les actes.
Qu’on ne vienne pas dire que Rym Brahimi va enrichir les médias algériens. Si elle en avait eu l’intention ou la capacité, cela se serait vu — en Jordanie déjà, son passage médiatique n’a laissé aucune trace notable. Quant à Drareni, son double-jeu entre militantisme proclamé et silences calculés interroge. Peut-on prétendre défendre la liberté d’expression tout en caressant les puissants dans le sens du poil ?
Un miroir brisé du journalisme maghrébin
Dans cette pièce où chacun joue son rôle — l’un en chevalier de la presse libre, l’autre en mécène de la culture méditerranéenne — le public ne doit pas se laisser berner par les costumes. Derrière les discours humanistes et les invitations aux conférences se cachent des logiques d’ascension sociale, de capital diplomatique et de clientélisme régional. Un théâtre des apparences, bien loin des idéaux du journalisme.