Entre espoir de justice et manipulations politiques, l’Europe devient la cible de choix de l’activisme politique africain

Dans la construction de la démocratie et ses soubresauts, les régimes changent désormais en Afrique, mais une constante demeure : les attentes de justice portées notamment par les acteurs de la société civile africaine.
A tort ou à raison, ceux-ci revendiquent la paternité de plusieurs recadrages démocratiques : au Sénégal par exemple, ils s’attribuent l’échec de Macky dans ses velléités à briguer un troisième mandat, sur les deux maximums prévus par la constitution sénégalaise. En effet, à l’aube de l’élection, ses principaux opposants avaient été condamnés à des peines d’inéligibilité. Avec l’absence de Karim Wade, Khalifa Sall et Ousmane Sonko, la présidence semblait accessible. Cependant, un changement significatif s’est produit lorsque Bassirou Diomaye Faye a été désigné comme successeur de Sonko, soutenu par des membres influents de la société civile sénégalaise. La pression populaire a eu raison du président sortant, qui finit par renoncer début juillet 2023 à se présenter à sa réélection. A peine libre, Bassirou Diomaye Faye a pu battre campagne et être élu Président de la République.
Fort de tels succès, la société civile africaine est devenue un véritable canal d’influence, que les lobbys étrangers et les politiques manipulent de manières diverses pour atteindre certains objectifs. Ce qui ne manque de faire apparaitre des fissures dans la cohérence de groupes, dont la crédibilité ne souffrait de la moindre discussion. Des liens cousus de fil blanc révèlent des relations incestueuses et souvent inavouées.
C’est notamment le cas, lorsqu’une délégation de Congolais fut reçue par des Parlementaires Européens afin d’exiger la libération des prisonniers Katangais. A croire qu’il existe une loi d’exception en RDC pour les ressortissants de cette province, voire des statistiques tendant à prouver que ceux-ci subissent une injustice particulière. Qui trouverait recevable que des activistes Belges demandent la libération des Wallons des toutes les prisons belges ?
Rien d’innocent non plus, lorsque le 2 juin 2025 au Press Club Brussel, un groupe de Congolais plaide pour le recours à la justice européenne pour lutter contre la corruption et l’impunité en RDC. Les raccords politiques sont évidents et ne peuvent cacher un certain malaise, puisqu’il s’agit – ni plus ni moins- que d’enjamber la justice congolaise pour recourir à la justice européenne, en ignorant au passage que La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) peut être saisie, si un particulier ou une entreprise, estime avoir subi un dommage à la suite de l’action ou de l’inaction d’une institution de l’UE ou de son personnel. Or, dans le cas d’espèce, les orateurs de cette réunion qui a eu lieu à quelques pas du siège des institutions européennes, accusaient avec des mots à peine voilés, les autorités belges de concussion, tout en leur demandant de faire justice pour les Congolais.
Ces dynamiques révèlent un paradoxe frappant. Alors que certains activistes africains cherchent à internationaliser leurs combats pour la justice, ils risquent d’entraver le développement de solutions locales capables de répondre aux défis spécifiques de leurs sociétés. Cette tendance à externaliser les questions de justice et à faire appel aux institutions étrangères reflète à la fois une quête légitime d’équité et une méfiance envers les systèmes judicaires nationaux.
Cependant, cette stratégie comporte des risques. L’implication d’acteurs étrangers dans les affaires africaines peut être interprétée comme une forme d’ingérence, alimentant un discours de néocolonialisme. Elle soulève aussi des questions sur la véritable souveraineté des nations africaines et leur capacité à résoudre leurs propres crises institutionnelles. L’exemple de la RDC, où des accusations de corruption et de concussion sont formulées contre des autorités étrangères tout en sollicitant leur intervention, illustre bien les tensions inhérentes à ces démarches.
A défaut de voir ces groupes trouver l’équilibre entre le besoin légitime de justice et les pressions politiques, il revient à l’Union Européenne à sélectionner ses combats avec équité et clairvoyance pour qu’elle ne soit pas la pièce maitresse du dindon de la farce.