Fin du transit de gaz russe via l’Ukraine : Impact sur l’Europe et le rôle clé du gaz algérien comme alternative stratégique

Cette analyse, réalisée par Lila Lefèvre et Sébastien Vanden Broek, souligne le rôle crucial de certains pays, notamment l’Algérie, pour combler le vide laissé par Gazprom. Grâce aux capacités considérables de Sonatrach, l’Algérie dispose du potentiel nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques de l’Europe. Il est dans l’intérêt de l’Union européenne de renforcer et de consolider ses relations avec Alger, malgré les tensions passées provoquées par certaines prises de position isolées de nouveaux eurodéputés français d’extrême droite. Ces voix marginales, loin de représenter un obstacle significatif, pèsent peu face aux enjeux stratégiques et aux intérêts croissants qui lient Bruxelles et Alger.

Le 1er janvier 2025 marque un tournant énergétique majeur pour l’Europe : le transit du gaz russe via l’Ukraine a définitivement pris fin après l’expiration du contrat quinquennal signé en 2019. Cette rupture historique soulève des questions cruciales sur la sécurité énergétique européenne, les conséquences économiques pour les deux camps et les alternatives possibles pour compenser cette perte.

Un divorce énergétique historique

Depuis des décennies, l’Ukraine a été un corridor énergétique stratégique pour l’Europe, acheminant jusqu’à 40 % du gaz russe consommé sur le continent. Avec la fin du transit, l’Europe tourne une page de sa dépendance au gaz russe, tandis que Moscou perd l’un de ses principaux canaux d’exportation.

Pour l’Ukraine : Ce développement est perçu comme une victoire stratégique et politique. Le transit du gaz a souvent été un outil de pression économique et diplomatique de Moscou sur Kiev. En se libérant de cette contrainte, l’Ukraine renforce son indépendance énergétique. Toutefois, la perte des frais de transit, estimés à environ 1 milliard de dollars par an, représente un coup dur pour l’économie ukrainienne.

Pour la Russie : Gazprom, pilier économique et géopolitique du Kremlin, subira certes d’importantes pertes financières avec la fin du transit via l’Ukraine, mais ces pertes seront en grande partie compensées par de nouveaux partenariats. Moscou a déjà redirigé une partie significative de ses exportations de gaz vers des marchés émergents, notamment l’Inde et d’autres pays membres des BRICS, qui se sont positionnés comme des clients stratégiques. Cette diversification permet à la Russie de maintenir une demande soutenue pour son gaz, réduisant ainsi l’impact économique de la perte du marché européen. La fermeture de ce corridor symbolise davantage un réalignement géopolitique qu’un véritable isolement énergétique pour Moscou.

Pour l’Europe : Les États européens, en particulier ceux d’Europe centrale et orientale comme la Slovaquie, la Hongrie et l’Autriche, devront adapter leurs stratégies d’approvisionnement et renforcer leurs infrastructures pour diversifier leurs sources d’énergie. La Slovaquie a déjà exprimé son intention de se tourner vers le gaz algérien, une option qui présente des avantages considérables : proximité géographique, coûts compétitifs et stabilité de l’approvisionnement. Il est probable que d’autres pays suivent cet exemple, renforçant ainsi le rôle de l’Algérie comme fournisseur stratégique pour la région.

Conséquences économiques et énergétiques pour l’Europe

La fin du transit via l’Ukraine réduit encore davantage les flux de gaz russe vers l’Europe, déjà affaiblis par les sanctions et l’explosion des gazoducs Nord Stream en 2022. Cette situation pose plusieurs défis :

Hausse des prix du gaz : Moins d’offre signifie une pression haussière sur les prix, notamment lors des périodes de forte demande hivernale.

Stabilité énergétique : Les infrastructures alternatives, telles que les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) et les autres gazoducs, devront fonctionner à pleine capacité pour compenser la perte.

Accélération de la transition énergétique : Ce choc pourrait accélérer les politiques d’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Les alternatives au gaz russe : quels fournisseurs peuvent combler le vide ?

La Norvège : un partenaire clé pour l’Europe

La Norvège est désormais le plus grand fournisseur de gaz naturel de l’Union européenne. Grâce à ses gazoducs sous-marins et à une production stable, elle reste un pilier essentiel pour assurer l’approvisionnement du continent. Toutefois, ses capacités d’exportation sont déjà proches de la saturation.

L’Algérie : une solution stratégique pour l’Europe du Sud, centrale et orientale

L’Algérie s’impose comme un fournisseur clé pour l’Europe grâce à sa proximité géographique, sa stabilité politique et ses infrastructures gazières robustes. Des pays comme l’Espagne et l’Italie bénéficient déjà des gazoducs Medgaz et Transmed, qui assurent un approvisionnement fiable. Contrairement à certaines inquiétudes passées, la capacité d’exportation algérienne ne devrait pas être un frein. Le pays a massivement investi dans le développement de ses infrastructures énergétiques et a conclu des partenariats avec de grands groupes gaziers internationaux pour accroître sa production et ses capacités d’exportation.

De plus, le projet de gazoduc transsaharien (TSGP)reliant le Nigeria au Niger puis à l’Algérieconstitue une initiative stratégique majeure. Une fois opérationnel, ce gazoduc permettra d’acheminer directement le gaz nigérian vers l’Europe via les infrastructures algériennes existantes. Ce projet, soutenu par des investissements considérables et une coopération régionale renforcée, pourrait considérablement augmenter les flux de gaz naturel vers l’Europe, tout en diversifiant les sources d’approvisionnement et en renforçant la sécurité énergétique du continent. La stabilité politique croissante de l’Algérie constitue également un atout majeur pour garantir la pérennité et la réussite de ces projets d’expansion.

Les États-Unis : le géant du GNL

Les États-Unis ont massivement augmenté leurs exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine. Les terminaux européens, notamment en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, ont renforcé leur capacité de regazéification pour accueillir ces volumes. Cependant, le GNL reste plus cher que le gaz acheminé par gazoduc.

Le Qatar : un acteur en croissance

Le Qatar, déjà un fournisseur majeur de GNL, joue un rôle croissant dans la sécurité énergétique européenne. De nouveaux contrats d’approvisionnement ont été signés avec des pays comme l’Allemagne et l’Italie.

Les ressources internes européennes : un potentiel limité

L’Europe dispose de quelques gisements gaziers (notamment aux Pays-Bas et en mer du Nord), mais leur exploitation est limitée pour des raisons environnementales et techniques.

L’avenir énergétique de l’Europe : vers une indépendance durable ?

La fin du transit du gaz russe via l’Ukraine souligne l’urgence pour l’Europe d’accélérer sa transition énergétique :

Investissements dans les énergies renouvelables : L’éolien, le solaire et l’hydrogène vert doivent devenir des priorités absolues pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles.

Diversification des fournisseurs : L’Europe doit continuer à nouer des partenariats avec des fournisseurs stables comme la Norvège, l’Algérie et les États-Unis.

Efficacité énergétique : Réduire la consommation de gaz via une meilleure isolation thermique et une optimisation industrielle est indispensable.

Une nouvelle ère énergétique pour l’Europe

La fin du transit du gaz russe via l’Ukraine marque un tournant décisif pour l’Europe, qui doit désormais relever un défi énergétique majeur tout en saisissant une opportunité historique. En réorganisant ses approvisionnements autour de partenaires fiables comme la Norvège, l’Algérie, les États-Unis et le Qatar, le continent peut renforcer sa sécurité énergétique et réduire sa dépendance aux sources instables. L’Algérie, avec ses capacités croissantes et le projet stratégique du gazoduc transsaharien (TSGP), se positionne comme un acteur incontournable dans cette nouvelle architecture énergétique.

Parallèlement, l’Europe doit accélérer sa transition vers les énergies renouvelables, renforcer son efficacité énergétique et investir dans des infrastructures modernes et résilientes. Cette crise, loin d’être un simple obstacle, représente une chance pour l’Union européenne de bâtir un modèle énergétique durable, diversifié et souverain. À travers des partenariats stratégiques et une vision commune, l’Europe peut transformer ce défi en un moteur de croissance, d’innovation et de stabilité pour les décennies à venir.

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