« Fraternité ou chaos » : l’appel conjoint du recteur de la Grande Mosquée de Paris et de l’archevêque d’Alger

À l’heure où les relations entre Paris et Alger traversent une nouvelle zone de turbulences, deux voix religieuses majeures, Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, et Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, publient ce dimanche 24 août dans Le Monde une tribune commune au ton solennel. Leur message est limpide : « Le XXIᵉ siècle sera fraternel ou ne sera pas ».
Un texte inédit à deux voix
Rarement un responsable musulman et un responsable catholique se sont exprimés d’une même plume sur la relation franco-algérienne. Tous deux revendiquent une fraternité vécue, née de leurs histoires personnelles et de leur double appartenance franco-algérienne. Ni “moins français”, ni “moins algériens”, mais pleinement les deux, ils refusent d’être considérés comme étrangers dans l’un ou l’autre pays.
La différence comme richesse
Pour les deux auteurs, la diversité religieuse et culturelle n’est pas une menace mais une chance. Être croyant, rappellent-ils, n’exclut pas d’être citoyen à part entière. En invoquant saint Augustin, figure universelle de l’Algérie antique, et l’émir Abdelkader, chef militaire et mystique respecté, ils inscrivent leur appel dans une tradition spirituelle qui transcende les frontières.
Mémoire et réconciliation
Les tensions actuelles, écrivent-ils, plongent leurs racines dans les blessures du passé colonial, trop rarement assumées avec « la vérité nécessaire ». Ils mettent en garde contre toute instrumentalisation de la mémoire, citant Nelson Mandela : « La réconciliation ne signifie pas oublier, mais ne pas en être prisonnier ».
Une portée politique assumée
Leur tribune est un plaidoyer pour que les crispations diplomatiques ne retombent pas sur les citoyens : ni les Algériens de France, ni les Français d’Algérie, ni les musulmans, ni les chrétiens ne doivent être victimes des rivalités entre États. En convoquant André Malraux, qui annonçait que le XXIᵉ siècle serait spirituel ou ne serait pas, ils ajoutent : « Il sera fraternel ou ne sera pas ».
Un signal dans un climat tendu
Au-delà du message religieux, le texte a une dimension politique évidente. Publié dans un quotidien de référence, il se veut une interpellation des dirigeants et une invitation à bâtir un avenir apaisé. Plus qu’un vœu pieux, c’est une mise en garde : seule une fraternité vécue et assumée pourra sauver les relations entre les deux rives de la Méditerranée.