Isaac ou Ismaël : qui Dieu voulait-il sacrifier ? La vérité cachée derrière un rite millénaire

Chaque année, des millions de musulmans célèbrent l’Aïd al-Adha en immolant un mouton. Une tradition religieuse fondée sur un épisode ancien : le jour où Dieu demanda à Abraham de sacrifier son fils. Mais une question cruciale divise les traditions abrahamiques depuis des siècles : lequel de ses fils devait être sacrifié ? Isaac ou Ismaël ?
Une épreuve divine dans la Torah
Dans la tradition juive, c’est Isaac, fils de Sarah et d’Abraham, qui est au cœur de ce récit fondateur. La Torah (Genèse 22) raconte qu’Élohim met Abraham à l’épreuve, lui demandant de lui offrir son fils en holocauste. Abraham obéit sans broncher. Juste au moment de brandir le couteau, un ange l’arrête : Dieu a vu sa foi. À la place, un bélier est sacrifié. Ce récit, profondément symbolique, n’est pas célébré par un sacrifice animal dans le judaïsme moderne. Il est commémoré à Rosh Hashanah, le Nouvel An juif, par la lecture de ce passage et par le son du shofar (corne de bélier) — un appel à la foi, au souvenir et à la repentance, pas au sang.
Une tradition bien vivante dans l’islam
Dans le Coran (sourate 37), c’est Ismaël, le fils d’Abraham et de sa servante Hajar (Agar), qui est présenté comme le fils à sacrifier. L’enfant ne proteste pas, il accepte l’épreuve avec soumission. Là aussi, Dieu intervient et offre un mouton en substitution. Ce récit est à la base de l’Aïd al-Adha, célébrée chaque année par le sacrifice rituel d’un animal dans le monde musulman. L’acte est perçu comme un témoignage de foi, d’obéissance et de gratitude envers Dieu.
Un même récit, deux fils, deux visions du monde
Ce dédoublement de l’histoire n’est pas un simple détail. Il incarne une divergence théologique majeure entre judaïsme et islam. Pour les Juifs et les Chrétiens, Isaac est l’enfant de la promesse, le patriarche du peuple d’Israël. Pour les musulmans, Ismaël est l’ancêtre des Arabes, et le symbole de l’islam naissant.
Mais en réalité, ni dans la Torah, ni dans le Coran, le nom du fils n’est clairement mentionné au moment du sacrifice. Les traditions ultérieures ont précisé l’identité, chacune pour renforcer sa propre lignée spirituelle.
Prendre le couteau… ou prendre du recul ?
Le plus grand paradoxe reste sans doute dans la modernité. Tandis que le judaïsme a interprété l’histoire comme une parabole, un message symbolique sur la foi et l’épreuve, l’islam en a fait un acte rituel concret, perpétué chaque année. Mais cette réalité est de plus en plus remise en question.
Des voix s’élèvent, même au sein du monde musulman, pour appeler à une relecture du rite : faut-il continuer à tuer des millions d’animaux chaque année — souvent dans des conditions discutables — quand l’esprit de ce récit était justement de renoncer à la violence grâce à la foi ?
Et si le vrai sacrifice n’était pas un enfant, ni un mouton… mais notre propre attachement à la lettre du texte plutôt qu’à son esprit ?
Ce récit ancien nous tend un miroir : il nous montre ce que nous sommes prêts à offrir pour nos croyances. Mais aussi ce que nous refusons de remettre en question. Et si, en 2025, le vrai acte de foi était d’y réfléchir ?