La Constitution tunisienne n’a pas changé sur la question de l’Islam, mais une fakenews s’enflamme sur les réseaux sociaux.

Depuis quelques jours, une fakenews circule sur les réseaux sociaux affirmant que la Constitution tunisienne a récemment changé sur la question de l’Islam. Or, aucun amendement constitutionnel n’a eu lieu depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 2022.

Le 25 juillet 2022, un référendum a été organisé en Tunisie pour adopter une nouvelle Constitution, proposée par le président Kaïs Saïed. Celle-ci a remplacé la Constitution de 2014 et introduit plusieurs modifications, notamment concernant le rôle de l’Islam dans l’État tunisien

Contrairement aux Constitutions de 1959 et 2014, qui indiquaient explicitement que l’Islam est la religion de l’État, la nouvelle Constitution de 2022 a reformulé ce principe dans son article 5 :« La Tunisie fait partie de la nation islamique, et c’est à l’État seul qu’il revient, dans un système démocratique, de garantir les objectifs de l’Islam en matière de préservation de la vie, de l’honneur, des biens, de la religion et de la liberté »

Par opposition, l’article 1 des Constitutions de 1959 et 2014 énonçait : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain ; l’Islam est sa religion, l’arabe est sa langue et la République est son régime »

La différence principale entre ces formulations est que la Constitution de 2022 ne qualifie plus l’Islam comme religion de l’État, mais elle le maintient comme référentiel dans l’application des politiques publiques. Cependant, cela ne signifie pas que la Tunisie a adopté une nouvelle orientation religieuse ou laïque depuis 2022.

Certains réseaux sociaux amplifient souvent des informations fausses ou exagérées, surtout lorsque celles-ci concernent des sujets sensibles comme la religion et la politique. Plusieurs facteurs expliquent cette propagation rapide

Confusion sur le texte constitutionnel et mal interprétation de la reformulation de l’article 5 de la Constitution de 2022. L’instrumentalisation politique par des acteurs et des groupes militants exploitant cette désinformation pour polariser l’opinion publique, l’influence des mouvements religieux opposés aux changements introduits par Kaïs Saïed cherchant à discréditer son projet politique, et enfin le désordre médiatique et diffusion rapide de fausses nouvelles facilitée par l’absence de vérification rigoureuse sur les plateformes sociales.

Les changements constitutionnels en Tunisie ne peuvent pas se faire du jour au lendemain. Modifier la Constitution nécessite un référendum national, comme celui de 2022, ainsi qu’un processus législatif complexe impliquant des propositions de loi, des débats et des votes à l’Assemblée des représentants du peuple. Depuis l’adoption de la Constitution actuelle, aucun amendement n’a été opéré

La Tunisie est souvent perçue comme un pays ayant une tradition séculière forte, bien que l’Islam y occupe une place centrale. Elle a été le premier pays arabe à interdire la polygamie. Elle est le deuxième pays à majorité musulmane à l’avoir interdite, après la Turquie d’Atatürk. Contrairement à la Turquie, qui est une République entièrement laïque, la Tunisie est considérée comme une République semi-laïque. L’arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahda après le printemps arabe de 2011 n’a pas réintroduit la polygamie, bien que certains islamistes tunisiens aient recours à des mariages religieux non reconnus par l’État.

Encore une fois, la fakenews sur un supposé changement récent de la Constitution tunisienne est infondée. La dernière modification constitutionnelle remonte à 2022, et aucune modification n’a eu lieu depuis. L’Islam n’est plus qualifié de religion de l’État, mais il demeure une référence pour certaines actions gouvernementales. Cette affaire illustre comment certains réseaux sociaux peuvent être le terrain fertile de la désinformation, en amplifiant des thèmes sensibles et en alimentant les clivages politiques et sociétaux.

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