Lakhdar Brahimi : le faux sage d’une diplomatie au service de lui-même
Même s’il n’est aujourd’hui que l’ombre de lui-même, à 92 ans, Lakhdar Brahimi se découvre soudainement un rôle de militant inflexible de la cause palestinienne. Sur une radio nationale, il condamne haut et fort les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, comme s’il venait de tomber des nuages.
La scène serait touchante si elle n’était pas si… tardive. Et surtout, si l’homme en question n’avait pas consacré sa vie entière à un tout autre militantisme : celui de ses propres intérêts.
Une carrière façonnée par l’opportunisme
Depuis ses débuts, Brahimi a suivi une ligne d’une cohérence exemplaire : servir le pouvoir, quel qu’il soit et où qu’il soit, à Washington, New York, Alger, Damas, Amman, Dubaï, Paris, Kinshasa… tant qu’il garantit son confort et celui de sa famille.
Propulsé ambassadeur d’Algérie au Caire en 1963 par Ahmed Ben Bella, il survivra sans encombre à la chute de son protecteur en 1965 — première preuve d’une remarquable capacité d’adaptation aux changements de régime.
En 1970, direction Londres, où il restera neuf ans. Une décennie marquée, selon plusieurs témoignages, par de graves irrégularités financières. Les bourses des étudiants algériens y étaient souvent bloquées, tandis que les comptes personnels de l’ambassadeur semblaient, eux, se porter à merveille.
Un épisode embarrassant que la biographie officielle de Lakhdar Brahimi, y compris sur Wikipédia, passe pudiquement sous silence. L’oubli, en diplomatie, peut être une arme efficace.
La morale à géométrie variable
Le même homme qui condamne aujourd’hui la normalisation avec Israël a pourtant soigneusement organisé le mariage de sa fille Rym avec le prince Ali de Jordanie, demi-frère du roi Abdallah II.
La Jordanie, faut-il le rappeler, fut le premier pays arabe à normaliser ses relations diplomatiques avec Israël, sans conditions ni ambiguïtés.
Mais les alliances familiales ont parfois plus de poids que les convictions politiques.
Chez Lakhdar Brahimi, la morale s’accorde au protocole.
L’éternel revenant du système
On exagère souvent la longévité de Brahimi à la tête du ministère des Affaires étrangères, à peine quelques mois, de 1991 à 1992, au moment où l’Algérie sombrait dans la tourmente.
Lorsque la guerre civile se profilait, il choisit prudemment l’exil, rejoignant son épouse en France, où il réside encore aujourd’hui.
Depuis sa résidence parisienne, il dispense au monde entier des leçons de sagesse et de démocratie, comme si la distance géographique conférait la clairvoyance morale.
Le « pacificateur » sans paix
La réputation internationale de Brahimi repose sur une série de missions sous l’égide de l’ONU : Liban, Afghanistan, Irak, Zaïre, Syrie.
Mais de ces interventions, aucune n’a produit de paix durable, ni même de véritable avancée politique. Partout, Brahimi a laissé l’image d’un diplomate prudent, soucieux avant tout de ménager les puissants et de protéger sa position.
Son bilan diplomatique ressemble à sa carrière : brillant sur le papier, creux dans les faits.
Le masque tombe
En 2019, en pleine révolte populaire algérienne, Saïd Bouteflika le fit revenir au pays pour tenter de calmer la rue. Une ultime mission vouée à l’échec. Le peuple n’était plus dupe : la parole de Brahimi ne portait plus.
L’ancien diplomate, autrefois adulé dans les cercles du pouvoir, n’était plus qu’un symbole d’un système en fin de course, celui des technocrates dociles, nourris à la corruption et à la reconnaissance internationale.
Le témoin d’une hypocrisie nationale
Lakhdar Brahimi incarne, à lui seul, le paradoxe d’une élite postcoloniale : des hommes formés à parler au nom de la nation, mais souvent au service d’eux-mêmes. De Bouteflika à Brahimi en passant par Ouyahia.
Ses postures actuelles sur la Palestine ne trompent plus personne. Elles ne sont que le dernier vernis moral d’un parcours où la loyauté n’a jamais été envers un peuple, mais envers les circonstances.
L’histoire retiendra peut-être Lakhdar Brahimi comme un homme d’État.
Mais la vérité, elle, retiendra surtout le visage d’un opportuniste habile, passé maître dans l’art de se présenter en conscience du monde, tout en restant, jusqu’au bout, le serviteur de ses propres intérêts.
