Macron-Bouchouareb : une amitié gênante née à Bercy et protégée par l’Élysée

Bouchouareb et Macron à Alger le 13 février 2017

Le refus de la France d’extrader Abdeslam Bouchouareb vers l’Algérie soulève des questions brûlantes. Pourquoi Paris protège-t-elle cet ancien ministre algérien condamné pour corruption ? Derrière cette affaire se cache une relation trouble entre Emmanuel Macron et Abdeslam Bouchouareb, qui remonte à l’époque où le premier était ministre de l’Économie à Bercy et le second ministre de l’Industrie et des Mines à Alger. Cette proximité explique-t-elle l’étrange bienveillance de l’Élysée à son égard ?

Un ministre algérien en fuite, protégé par Paris

Cité dans l’affaire des « Panama Papers » , Abdeslam Bouchouareb, ex-ministre de l’Industrie et des Mines sous Bouteflika (2014-2017), a été un acteur clé du système de prédation économique qui gangrenait l’Algérie. Condamné en 2020 à 20 ans de prison pour corruption et blanchiment d’argent, il s’est réfugié en France après la chute du clan Bouteflika en 2019.

Malgré un mandat d’arrêt international et des demandes répétées d’extradition, la France refuse obstinément de le livrer. Officiellement, Paris invoque des raisons juridiques et le respect des droits de l’Homme. Mais en réalité, c’est une autre histoire qui se joue en coulisses.

Une rencontre décisive à Bercy

Bouchouareb et Macron se sont rencontrés plusieurs fois à Alger et à Paris, lorsque ce dernier était ministre de l’Économie sous François Hollande. À l’époque, Macron cherchait à renforcer les relations économiques franco-algériennes, notamment via des investissements dans l’industrie et les hydrocarbures. Bouchouareb, en tant que ministre de l’Industrie et Des Mines, était l’un des interlocuteurs privilégiés de Paris.

Ce rapprochement ne se serait pas limité à des discussions économiques. Selon plusieurs sources, Bouchouareb, aux côtés de l’oligarque Ali Haddad, aurait participé au financement de la campagne présidentielle de Macron en 2017. Un soutien discret mais efficace, qui aurait permis au futur président français d’obtenir des fonds non négligeables au moment où il lançait son mouvement “En Marche”.

Ali Haddad et Emmanuel Macron à Alger. Février 2017

Pourquoi la France refuse-t-elle d’extrader Bouchouareb ?

1. Un secret gênant pour Macron ?

Si les accusations de financement occulte sont avérées, Bouchouareb détient des informations explosives sur les liens entre Macron et certains réseaux politico-financiers algériens. Son extradition vers Alger pourrait donc représenter une menace pour l’Élysée, qui ne souhaite pas voir ces révélations éclater au grand jour.

2. Un levier diplomatique pour Paris

En maintenant Bouchouareb sur son sol, la France garde une carte stratégique dans ses relations avec Alger. Elle peut ainsi exercer une pression discrète sur l’Algérie sur des dossiers comme la coopération sécuritaire, l’immigration ou les contrats économiques.

3. Une protection sélective

L’argument des droits de l’Homme avancé par Paris sonne faux. La France a déjà extradé des figures politiques algériennes lorsque cela servait ses intérêts. Pourquoi alors accorder une telle clémence à un homme accusé d’avoir pillé les ressources de son pays ?

Silence radio sur Bouchouareb, tintamarre sur Sansal

Un élément frappant dans cette affaire est le contraste entre le silence total des médias et des politiques français sur le cas de Bouchouareb et le bruit assourdissant autour de Boualem Sansal. Ce dernier, écrivain et ancien haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie, est aujourd’hui dans le viseur des autorités algériennes. Depuis son interpellation, la presse française et plusieurs figures politiques dénoncent avec force une atteinte à la liberté d’expression.

Mais sur Bouchouareb ? Rien. Silence absolu. Aucun éditorial, aucune indignation. Pourquoi une telle différence de traitement ? Parce que la protection de Bouchouareb est une question hautement politique et embarrassante pour l’Élysée. Son extradition impliquerait de lever le voile sur des liens gênants entre Paris et certains oligarques algériens.

Une tension maîtrisée en coulisses ? Paris cherche à calmer le jeu

L’affaire Bouchouareb risque de raviver les tensions entre Paris et Alger, déjà mises à rude épreuve par des différends historiques et économiques. Mais au-delà des discours officiels, des signes récents montrent que la France tente discrètement de désamorcer la crise.

Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, doit se rendre en Algérie la semaine prochaine. Officiellement, cette visite s’inscrit dans le cadre du dialogue bilatéral. Officieusement, il s’agit d’apaiser la colère d’Alger, qui considère la présence de Bouchouareb et d’opposants comme Ferhat Mehenni sur le sol français comme un affront et une preuve supplémentaire de la duplicité de Paris.

Un élément révélateur de cette volonté d’apaisement est l’entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune il y a cinq jours, à l’occasion de l’Aïd. Un échange qui n’a rien d’anodin, surtout après les déclarations récentes du président algérien affirmant qu’il ne traiterait qu’avec son “alter ego”, Macron, écartant toute discussion avec d’autres membres du gouvernement français.

Autre signal : ces trois derniers jours, les médias français ont visiblement reçu des instructions pour calmer le jeu. Après une offensive médiatique accusant l’Algérie sur plusieurs dossiers, le ton s’est nettement adouci. Une coïncidence ? Peu probable.

En réalité, la France sait qu’elle ne peut pas se permettre un bras de fer prolongé avec Alger. Expulsée d’une grande partie de l’Afrique francophone, Paris voit en l’Algérie un partenaire clé pour conserver un minimum d’influence dans la région. Sur le plan économique, la coopération avec Alger reste essentielle, notamment dans le secteur de l’énergie et de l’industrie.

Reste à voir si cette stratégie d’apaisement suffit à dissiper les tensions ou si l’Algérie exige des gestes plus concrets, comme l’extradition de Bouchouareb.

Jusqu’où ira la protection de l’Élysée ?

Loin d’être un simple dossier judiciaire, l’affaire Bouchouareb révèle les jeux d’influence et les compromissions qui lient certains cercles du pouvoir français et algérien.

En refusant son extradition, la France envoie un message troublant : la justice et la morale passent après les intérêts politiques et financiers. La question reste entière : jusqu’à quand Macron pourra-t-il protéger son ancien “ami” sans risquer de nouvelles révélations embarrassantes ?

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