Macron défie la Cour de Justice de l’UE pour séduire Rabat

Le 29 octobre 2024, Emmanuel Macron s’apprête à effectuer une visite officielle au Maroc, accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires français, pour explorer des opportunités d’investissement, notamment dans les territoires sahraouis occupés. Cette démarche, bien que stratégique sur le plan économique et diplomatique, soulève de vives interrogations sur sa légitimité au regard du droit international, mais aussi vis-à-vis des récentes décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

La CJUE, en invalidant les accords commerciaux entre les pays de l’UE et le Maroc, a mis en avant un principe fondamental : l’absence de consentement du peuple sahraoui et de son représentant, le Front Polisario. La Cour a clairement rappelé que le Sahara occidental n’est pas un territoire marocain et que toute exploitation de ses ressources naturelles sans le consentement explicite de ses habitants viole le droit international.

Cette décision de justice met en lumière une contradiction profonde entre les impératifs commerciaux des États membres de l’UE et leur devoir de respecter les principes de souveraineté et de légalité. En reconnaissant de facto la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, sans l’approbation du peuple sahraoui, ces accords ont été jugés illégitimes. Ce jugement a marqué une étape importante dans la lutte pour la reconnaissance des droits du peuple sahraoui, longtemps ignoré sur la scène internationale.

Dans ce contexte, la décision d’Emmanuel Macron de se rendre au Maroc pour promouvoir des investissements dans les territoires sahraouis occupés apparaît comme un défi direct à la CJUE. Le président français, en dépit de sa connaissance de la position juridique européenne, semble adopter une posture pragmatique : renforcer les relations économiques avec le Maroc, au détriment des principes juridiques établis par l’Union Européenne.

Pourquoi ce choix ? La réponse pourrait résider dans l’importance géopolitique du Maroc pour la France, en particulier dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre la migration irrégulière. Rabat, en tant qu’allié stratégique en Afrique du Nord, offre à la France un accès privilégié à des marchés et des opportunités d’investissements lucratifs. De plus, la stabilité du royaume chérifien et son rôle d’interlocuteur clé dans la région poussent certains dirigeants à fermer les yeux sur les enjeux juridiques et humanitaires.

En reconnaissant la « solution marocaine » pour le Sahara occidental, Macron s’aligne sur une position de plus en plus défendue par certaines puissances, notamment les États-Unis de Trump, qui ont reconnu la souveraineté du Maroc sur ce territoire en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël en 2020. Cette posture, qui valide l’autonomie sous contrôle marocain, semble séduire certains décideurs européens, désireux de maintenir des liens solides avec Rabat.

Pourtant, cette reconnaissance contredit fondamentalement le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, garanti par les résolutions des Nations Unies et soutenu par la CJUE. En poursuivant des accords commerciaux et des investissements dans ces territoires occupés, les acteurs européens risquent de se retrouver en porte-à-faux avec le droit international et de saper leurs propres fondements éthiques et juridiques.

Si la France justifie ces manœuvres économiques au nom de ses intérêts stratégiques, elle s’expose cependant à des critiques sur plusieurs fronts. D’abord, elle compromet son image de défenseur des droits humains et de la légalité internationale, ce qui pourrait ternir ses relations avec d’autres pays africains, notamment ceux soutenant la cause sahraouie, comme l’Algérie. Ensuite, elle envoie un message ambigu à l’UE, dont les institutions viennent d’affirmer que toute relation économique avec le Maroc incluant le Sahara occidental est illégale sans le consentement sahraoui.

Macron se retrouve ainsi dans une position inconfortable, où le pragmatisme économique semble l’emporter sur le respect des principes de justice internationale. Une telle approche pourrait, à long terme, affaiblir la position de la France dans les forums internationaux, alors que la question du Sahara occidental reste une épine dans le flanc de la diplomatie euro-méditerranéenne.

En allant au Maroc pour promouvoir des investissements dans les territoires sahraouis occupés, Emmanuel Macron semble faire fi des décisions juridiques européennes, en choisissant une approche qui privilégie les intérêts économiques à court terme. Ce pari pourrait s’avérer risqué, non seulement pour l’image de la France en Afrique et dans l’UE, mais aussi pour la crédibilité même de l’ordre juridique international.

Dans ce jeu de pouvoir entre la justice et la politique, Macron choisit clairement la seconde, au risque de raviver un conflit latent et de bafouer les droits légitimes du peuple sahraoui. L’histoire jugera si ce calcul économique aura été une victoire à court terme ou un échec à long terme pour la France et l’Union européenne.

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