Réouverture de l’ambassade de l’UE en Syrie : un tournant diplomatique face à de nouveaux défis
L’Union européenne (UE) a annoncé mardi 17 décembre 2024 la réouverture de sa mission diplomatique à Damas, marquant un changement stratégique majeur dans sa politique à l’égard de la Syrie. Cette décision intervient à la suite de discussions jugées « constructives » avec les nouveaux dirigeants syriens, quelques jours après l’éviction de Bachar al-Assad.
La chute de Bachar al-Assad, renversé le 8 décembre par une offensive des rebelles du nord de la Syrie, a marqué une nouvelle phase dans l’histoire tourmentée du pays. Les nouvelles autorités, dominées par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), tentent de convaincre la communauté internationale de leur volonté de pacifier la Syrie. Abou Mohammad al-Jolani, figure de proue de ce mouvement, a promis de dissoudre les factions armées et d’intégrer leurs combattants dans une armée nationale unifiée sous l’égide du ministère de la Défense.
Cependant, le passé jihadiste de HTS, ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, continue de susciter méfiance et prudence dans les capitales occidentales. Classé comme organisation terroriste par plusieurs pays, HTS doit encore démontrer sa capacité à gouverner tout en rompant définitivement avec le jihadisme.
Malgré ces incertitudes, l’UE a fait le choix de rouvrir sa délégation à Damas, considérant qu’une présence sur le terrain est indispensable pour éviter un vide diplomatique. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a insisté sur l’importance d’une relation proactive avec les nouvelles autorités pour prévenir une éventuelle résurgence du groupe État islamique (EI).
La Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Kaja Kallas, a qualifié cette réouverture de « très importante ». Pour elle, l’UE doit être un acteur clé dans la transition politique en Syrie. Michael Ohnmacht, le chef de la délégation européenne, a d’ores et déjà entamé des « premiers contacts constructifs » avec les nouveaux dirigeants ainsi qu’avec des représentants de la société civile.
Outre la stabilisation interne de la Syrie, l’UE devra naviguer dans les eaux troubles des enjeux géopolitiques. Lors de discussions à Bruxelles le 16 décembre, plusieurs ministres européens ont souligné la nécessité d’exiger la fermeture des bases russes de Tartous et de Khmeimim, considérées comme des plateformes stratégiques pour les activités militaires de Moscou au Moyen-Orient et en Afrique. Ce point sera soulevé lors des négociations futures avec les dirigeants syriens.
Dans le sillage de l’UE, la France a également marqué un tournant diplomatique en rétablissant sa présence à son ambassade à Damas, fermée depuis 12 ans. Jean-François Guillaume, émissaire français, a déclaré que Paris se tiendra aux côtés des Syriens durant cette phase de transition, témoignant de la volonté européenne de s’engager pleinement dans la reconstruction politique et sociale du pays.
La réouverture de l’ambassade de l’UE en Syrie symbolise une première étape vers une nouvelle politique européenne au Moyen-Orient. Mais le chemin reste semé d’embûches : la légitimité des nouveaux dirigeants, leur capacité à stabiliser le pays et les ambitions des puissances étrangères, notamment la Russie et l’Iran, poseront des défis complexes.
Pour Kaja Kallas et ses homologues, le défi consistera à équilibrer engagement et vigilance, tout en assurant que les valeurs fondamentales de l’Union européenne — paix, droits de l’homme et État de droit — restent au cœur de cette démarche. Cette réouverture diplomatique marque un tournant, mais aussi le début d’un long processus de réévaluation des relations entre l’Europe et une Syrie en pleine mutation.