Sahara Occidental : La Cour de Justice de l’UE Déclare les Accords UE-Maroc Invalides
Le 29 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), réunie en grande chambre, a tranché définitivement les affaires jointes C-778/21 P et C-798/21 P, ainsi que C-779/21 P et C-799/21 P, opposant la Commission européenne et le Conseil de l’Union au Front Polisario, représentant du peuple du Sahara occidental. Au cœur de cette décision historique se trouvent les accords commerciaux de 2019 entre l’Union européenne (UE) et le Maroc portant sur la pêche et les produits agricoles, appliqués au territoire contesté du Sahara occidental. Ces accords, sans le consentement explicite du peuple sahraoui, sont déclarés en violation des principes fondamentaux du droit international, dont l’autodétermination et l’effet relatif des traités.
Le Contexte : Des Accords Sans Consentement Requis
Le Sahara occidental, territoire non autonome, fait l’objet d’une revendication territoriale entre le Maroc et le Front Polisario, représentant le peuple sahraoui, soutenu par les Nations unies dans sa quête d’autodétermination. En 2019, deux accords commerciaux UE-Maroc ont été conclus, autorisant l’exploitation des ressources agricoles et halieutiques du Sahara occidental et de ses eaux adjacentes. Cependant, le Front Polisario a dénoncé ces accords, estimant qu’ils étaient appliqués sans le consentement du peuple sahraoui, violant ainsi le droit à l’autodétermination.
Le Tribunal de l’UE, saisi par le Front Polisario, avait en 2021 annulé les décisions du Conseil approuvant ces accords, considérant qu’ils étaient illégaux en l’absence de consentement de la population sahraouie. Néanmoins, les effets des accords avaient été temporairement maintenus. Cette décision a ensuite été contestée devant la Cour de justice par la Commission et le Conseil, entraînant un examen approfondi de la légitimité des consultations menées et du concept même de consentement présumé.
Un Consentement Implicite sous Conditions
La Cour de justice de l’UE a rejeté les pourvois de la Commission et du Conseil, validant la position selon laquelle le consentement du peuple sahraoui est une condition sine qua non à la validité des accords commerciaux UE-Maroc, dans la mesure où ces accords touchent directement aux ressources naturelles du Sahara occidental. Cependant, la Cour a introduit une notion clé : le consentement implicite.
Elle a estimé que, dans certaines conditions, le consentement du peuple sahraoui pourrait être présumé, même en l’absence d’une expression explicite. Selon la Cour, ce consentement implicite serait acceptable si les accords n’imposent aucune obligation au peuple sahraoui et s’ils lui confèrent des avantages précis, concrets, substantiels et vérifiables, découlant de l’exploitation de ses ressources naturelles. En d’autres termes, si les accords bénéficiaient véritablement au Sahara occidental sans créer de charges, un consentement implicite pourrait être considéré.
Or, en l’espèce, la CJUE a constaté que ces conditions n’étaient pas réunies. Les accords commerciaux de 2019, loin de conférer des avantages substantiels au peuple sahraoui, n’apportaient aucune contrepartie vérifiable à ce dernier. Les consultations menées par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) n’ont pas visé directement le peuple sahraoui mais plutôt les populations résidant sur le territoire, incluant des groupes n’appartenant pas au peuple sahraoui, dont une large partie vit en exil en Algérie depuis les années 1970.
Le Front Polisario : Représentant Légitime du Peuple Sahraoui
La CJUE a également clarifié le rôle du Front Polisario en tant qu’interlocuteur privilégié dans le processus international sous l’égide des Nations unies, visant à déterminer le futur statut du Sahara occidental. Elle a reconnu que le Front Polisario a la capacité de contester les décisions affectant le peuple sahraoui, réaffirmant ainsi son rôle en tant que représentant de ce dernier dans le cadre des accords internationaux.
Une Résonance Juridique et Politique
Cette décision, d’une importance capitale, renforce les principes fondamentaux du droit international, notamment le respect de l’autodétermination des peuples et l’effet relatif des traités. Elle met en lumière l’incompatibilité des accords commerciaux entre l’UE et le Maroc avec les droits du peuple sahraoui, tant qu’un consentement clair ou présumé ne peut être établi selon les critères stricts définis par la Cour.
En rejetant les pourvois, la CJUE envoie un message fort : l’exploitation des ressources du Sahara occidental ne peut se faire sans le consentement direct ou, à défaut, un avantage net pour le peuple sahraoui. Cette décision pourrait marquer un tournant dans la relation commerciale entre l’UE et le Maroc, mais aussi dans les négociations autour de l’avenir du Sahara occidental, territoire toujours en quête de son autodétermination.
La Justice au Service de l’Autodétermination
Ce jugement de la CJUE rappelle aux institutions européennes et internationales que les principes de justice, de légalité et de droit des peuples ne peuvent être compromis, même au nom d’accords commerciaux. Le consentement du peuple sahraoui, explicite ou présumé, est désormais une condition impérative et incontournable pour toute future entente portant sur les ressources naturelles du Sahara occidental.