Sahara Occidental : Quand Georges-Louis Bouchez joue avec le feu diplomatique

Georges-Louis Bouchez, président du MR, n’en est pas à sa première provocation. Mais cette fois, le franchissement de ligne concerne un sujet aussi sensible que stratégique : le Sahara occidental. De retour d’un voyage officiel à Rabat, le chef libéral a surpris — voire choqué — une large partie de la classe politique et diplomatique en appelant publiquement, via les réseaux sociaux, à la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental.
Un message court, posté sur X (anciennement Twitter), et une vidéo sur TikTok où Bouchez affirme vouloir « mettre les choses au clair ». Le problème ? Cette prise de position est personnelle, non concertée, et surtout en contradiction flagrante avec la position officielle de la Belgique comme de l’Union européenne.
La Belgique, en tant qu’État membre fondateur de l’Union européenne, soutient une solution politique durable, juste et mutuellement acceptable au conflit du Sahara occidental, dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle s’en tient à une approche multilatérale, diplomatique et conforme au droit international.
En s’exprimant publiquement et de manière unilatérale sur un sujet aussi délicat, Georges-Louis Bouchez s’écarte de cette ligne et court-circuite les institutions compétentes : gouvernement fédéral, Parlement, ministère des Affaires étrangères, voire la monarchie elle-même.
Le geste n’a rien d’anodin. Dans une région aussi sensible que le Maghreb, ce type de déclaration peut avoir des conséquences diplomatiques directes. En l’occurrence, la sortie de Bouchez est perçue comme un camouflet pour l’Algérie, partenaire stratégique de la Belgique depuis plusieurs décennies.
Avec plus de vingt accords bilatéraux touchant à la justice, à l’énergie, à l’éducation, à la sécurité sociale ou à la recherche scientifique, les relations entre Bruxelles et Alger sont d’une importance cruciale. Les mettre en péril pour une déclaration — aussi « franche » soit-elle — frise l’irresponsabilité. C’est un coup de com’ à haut risque.
D’autant plus que cette relation ne repose pas uniquement sur des intérêts économiques ou diplomatiques contemporains : elle s’ancre dans une histoire commune marquée par la solidarité. Pendant la guerre d’indépendance algérienne, de nombreux Belges — avocats, intellectuels, syndicalistes, diplomates — ont activement soutenu les combattants de la liberté. On se souvient des « porteurs de valises », du Réseau Janson, des figures comme Guy Cudell, Paulette Pierson-Mathy, Jean-Luc Lefèvre ou Serge Moureau. Même le roi Baudouin avait trouvé refuge et apaisement dans le désert algérien. Cette mémoire collective, faite d’engagement et de courage, fait partie de ce qui lie la Belgique et l’Algérie. En jouer à des fins de stratégie partisane ou de positionnement personnel est non seulement dangereux, mais aussi indécent.
Il convient aussi de rappeler que l’Algérie et le Maroc ne sont pas des ennemis. Ce sont des peuples frères, unis par l’histoire, la culture, la langue, les liens familiaux et humains. Ensemble, ils représentent près de 100 millions d’habitants, à seulement 14 kilomètres des côtes européennes. Dans ce contexte, alimenter la division ou jouer les pyromanes diplomatiques revient à compromettre la stabilité régionale et les intérêts de toute l’Europe.
Ce n’est pas la première fois que Georges-Louis Bouchez alimente la polémique avec des prises de position tranchées sur les affaires internationales. Il a déjà salué certains actes de guerre au Liban comme des « coups de génie », relayé des contenus issus des sphères de l’extrême droite, ou encore généralisé des accusations à l’égard de communautés issues de la diaspora.
Ces déclarations, loin d’un débat démocratique sain, participent à une polarisation grandissante de l’espace public. En politique étrangère, elles risquent surtout de nuire à la crédibilité de la Belgique sur la scène internationale. C’est une diplomatie parallèle préoccupante.
Dans une Europe confrontée à des défis géopolitiques majeurs, la diplomatie belge se doit d’être cohérente, responsable et prévisible. L’Algérie, pays voisin de l’UE, acteur régional influent et fournisseur énergétique clé, ne peut être reléguée au second plan par des coups d’éclat individuels qui risquent d’isoler la Belgique.
Loin de contribuer à la paix ou au dialogue, la prise de position de Georges-Louis Bouchez semble n’avoir qu’un objectif : provoquer et polariser. Une stratégie dangereuse à l’heure où les équilibres régionaux sont fragiles et où la Belgique se doit d’incarner une diplomatie mesurée, respectueuse de ses engagements internationaux.
À 39 ans, Georges-Louis Bouchez ne manque ni de verve, ni d’ambition. Mais la politique étrangère ne peut être traitée comme une série de postures destinées à générer du buzz. Elle est une compétence collective, exercée dans le respect des institutions et des principes du droit international.
S’exprimer au nom du pays sans mandat revient à fragiliser la position belge, à créer des tensions inutiles et à trahir la mémoire diplomatique d’un pays qui, par le passé, a souvent su faire preuve de grandeur et de solidarité envers les peuples opprimés.
La politique étrangère n’est pas un terrain de jeu.
La Belgique mérite mieux qu’un diplomate improvisé. Le monde aussi.