Sommet euro-arabe à Bruxelles : Quelle réponse face à Israël ?
Le sommet qui se tiendra entre les chefs d’états de l’Union Européenne (UE) et les chefs d’états arabes du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) le 16 octobre prochain à Bruxelles, se déroulera dans un contexte marqué par des crises géopolitiques majeures, notamment au Liban et à Gaza en Palestine. Ces deux événements, profondément imbriqués dans les dynamiques du Moyen-Orient, vont inévitablement influencer l’agenda et les discussions lors de cette rencontre à Bruxelles.
Les deux blocs, bien qu’ayant des perspectives parfois divergentes sur certaines questions de politique étrangère, partagent des intérêts communs dans la recherche de la stabilité régionale. Face à la crise au Liban, qui est à la fois économique et politique, et l’offensive israélienne contre Gaza, quelques pistes sur ce que l’UE et le CCG peuvent faire.
1. Le Liban : Un rôle crucial pour la stabilisation
Le Liban, en pleine implosion économique et politique, continue d’être une source de préoccupation majeure pour les deux blocs. L’effondrement du système bancaire, la crise humanitaire croissante, et le vide institutionnel compliquent toute possibilité de redressement à court terme. L’UE et le CCG, chacun avec ses propres relations historiques avec le Liban, peuvent jouer un rôle important dans sa stabilisation :
Soutien financier et humanitaire :
L’UE et le CCG peuvent conjointement annoncer une aide humanitaire et financière d’urgence pour éviter un effondrement complet. Alors que l’UE a déjà injecté des fonds humanitaires au Liban, notamment après l’explosion du port de Beyrouth en 2020, les pays du CCG, comme l’Arabie Saoudite, pourraient renforcer leur soutien à des programmes de redressement économique, tout en conditionnant une partie de cette aide à des réformes politiques.
Pression sur les élites libanaises pour des réformes :
Le soutien financier ne sera probablement efficace que s’il est conditionné à des réformes structurelles de la gouvernance libanaise. L’UE a déjà adopté une approche ferme en imposant des sanctions contre certaines figures politiques libanaises jugées responsables de la crise. Le CCG, en particulier l’Arabie Saoudite, a également un poids diplomatique considérable au Liban, en raison de son influence sur la communauté sunnite. Une action concertée des deux blocs pourrait accentuer la pression sur les élites libanaises pour qu’elles entreprennent des réformes nécessaires à la stabilisation du pays.
Engagement diplomatique régional :
Le CCG, notamment via l’Arabie Saoudite et le Qatar, peut utiliser ses relations avec l’Iran, principal soutien du Hezbollah, pour tenter de modérer les tensions internes au Liban. L’UE pourrait faciliter un dialogue diplomatique régional, en jouant un rôle de médiateur neutre entre les factions libanaises et leurs soutiens extérieurs.
2. L’Offensive Israélienne à Gaza : Une réponse conjointe délicate
L’offensive israélienne contre Gaza constitue un autre point de tension qui sera au cœur des discussions lors de ce sommet. Les divergences de vue entre l’UE et les pays du CCG sur la question israélo-palestinienne sont bien connues, mais il existe des points de convergence qui pourraient permettre une action concertée, surtout dans un contexte de crise humanitaire.
Pression pour un cessez-le-feu et une solution politique : L’UE a traditionnellement joué un rôle diplomatique en appelant à des cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Le CCG, bien que divisé sur la question de la normalisation avec Israël (avec des pays comme les Émirats et Bahreïn ayant normalisé leurs relations), reste attaché à une solution juste pour les Palestiniens. Le sommet pourrait voir les deux blocs émettre un appel conjoint en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et d’une reprise des négociations politiques, afin d’éviter une escalade régionale.
Réponse humanitaire :
Le sommet pourrait également déboucher sur une initiative conjointe de soutien humanitaire pour Gaza, dont la population est gravement touchée par le conflit. L’UE, qui est l’un des plus grands contributeurs d’aide à l’Autorité Palestinienne, pourrait renforcer son assistance humanitaire, en coordination avec les pays du Golfe qui, historiquement, ont financé de nombreux projets de reconstruction dans la bande de Gaza.
Soutien à une solution à deux États :
Bien que cette solution soit de plus en plus fragilisée, l’UE et le CCG restent attachés, au moins officiellement, à l’idée d’une solution à deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale d’un futur État palestinien. Le sommet pourrait réaffirmer cet objectif commun, malgré les réalités sur le terrain qui rendent ce scénario de plus en plus difficile à concrétiser.
3. La dynamique entre les deux blocs face à ces crises
Il est également important de souligner que les réactions de l’UE et du CCG face à ces crises ne seront pas sans difficultés, car les relations entre les deux blocs sont influencées par des dynamiques internes complexes.
Divergences internes au CCG :
Alors que certains membres du CCG, comme les Émirats et Bahreïn, ont normalisé leurs relations avec Israël (via les Accords d’Abraham), d’autres, comme le Qatar, maintiennent une position beaucoup plus critique vis-à-vis d’Israël. Ces divergences pourraient compliquer l’adoption d’une position commune du CCG sur Gaza. Néanmoins, les pays du Golfe pourraient s’entendre sur une approche humanitaire coordonnée, même si des divergences politiques persistent.
L’UE face à ses propres divisions :
L’Union européenne n’a pas non plus une position monolithique sur la question israélo-palestinienne. Certains pays, comme la France, ont adopté des positions plus critiques à l’égard d’Israël, tandis que d’autres, comme l’Allemagne, maintiennent une relation historique forte avec l’État israélien. Cependant, face à une crise humanitaire majeure, il est probable que l’UE se concentre sur une réponse humanitaire et diplomatique.
Une Coopération Nécessaire, mais Complexe :
Le sommet UE-CCG du 16 octobre 2024 se déroulera dans un contexte particulièrement sensible marqué par la crise au Liban et l’offensive israélienne à Gaza. Bien que les divergences de vues existent entre les deux blocs, notamment sur la question israélo-palestinienne, les deux parties ont intérêt à coordonner leurs efforts pour apporter des réponses à ces crises.
Face à la situation au Liban, l’UE et le CCG peuvent agir de concert pour stabiliser le pays, en combinant une aide humanitaire et des pressions diplomatiques. Quant à Gaza, bien que les divergences sur la normalisation avec Israël puissent limiter certaines actions, une réponse humanitaire conjointe et des efforts diplomatiques pour un cessez-le-feu semblent possibles.
Le sommet pourrait ainsi devenir une plateforme clé pour renforcer la coordination entre l’UE et le CCG sur ces crises, tout en renforçant leur partenariat stratégique global dans un contexte géopolitique de plus en plus complexe.