Tianjin 2025 : l’OCS s’affirme comme pilier du multipolarisme

Le 25ᵉ sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est tenu les 31 août et 1er septembre 2025 à Tianjin, en Chine. Plus d’une vingtaine de dirigeants y ont participé, confirmant le rôle croissant de cette organisation comme alternative aux structures occidentales. Entre leadership chinois, repositionnement indien, ambitions russes et posture stratégique turque, la rencontre illustre les recompositions en cours dans l’espace eurasiatique – avec, en toile de fond, les attentes du Sud global, dont l’Afrique et l’Algérie.

Un sommet au cœur des recompositions géopolitiques

Parmi les principaux chefs d’État présents figuraient Xi Jinping, Vladimir Poutine, Narendra Modi, Recep Tayyip Erdoğan, et le président iranien Masoud Pezeshkian. À leurs côtés, plusieurs dirigeants d’Asie et du Moyen-Orient, mais aussi le secrétaire général de l’ONU, António Guterres.

La Turquie, toujours partenaire de dialogue et membre de l’OTAN, a profité de l’événement pour affirmer son autonomie diplomatique. Recep Tayyip Erdoğan cultive un positionnement d’équilibriste : montrer à l’Occident qu’Ankara dispose d’autres options, sans pour autant franchir le pas d’une adhésion pleine et entière à l’OCS, incompatible avec son ancrage atlantique.

L’Afrique, en revanche, est restée largement absente. L’Algérie, qui a plusieurs fois exprimé son souhait d’obtenir le statut d’observateur, n’a pas été représentée. Une absence qui souligne l’écart entre le discours d’ouverture à l’égard du Sud global et la réalité d’une organisation encore très centrée sur son noyau eurasiatique.

Chine, Russie, Inde : un triangle en quête d’équilibre

Le sommet a surtout mis en lumière le jeu des trois grandes puissances du continent.

 • La Chine s’impose comme le moteur institutionnel et financier de l’OCS. Xi Jinping a dénoncé la « mentalité de guerre froide » et défendu un « ordre multipolaire fondé sur l’ONU ». Pékin a proposé la création d’une banque de développement, annoncé l’octroi de 2 milliards de yuans en subventions et de 10 milliards en prêts, tout en poussant à l’internationalisation du yuan dans les règlements commerciaux.

 • La Russie a mis l’accent sur la sécurité et la réorganisation stratégique de l’espace eurasiatique. Vladimir Poutine a plaidé pour une nouvelle architecture de sécurité « sans l’Occident », tout en s’alignant sur la vision multipolaire promue par Pékin. L’OCS devient ainsi pour Moscou un levier diplomatique face à son isolement international.

 • L’Inde, malgré ses tensions frontalières et commerciales avec la Chine, a confirmé sa participation active. Narendra Modi affiche un pragmatisme marqué : rester partie prenante de l’OCS tout en préservant ses liens avec Washington et l’Europe. Cette diplomatie du « ni aligné, ni soumis » vise à maximiser les marges de manœuvre indiennes dans un contexte de rivalités accrues.

Le Sud global entre attentes et frustrations

L’OCS se veut la vitrine d’un nouvel ordre multipolaire et d’une autonomie accrue vis-à-vis des institutions dominées par l’Occident. Les propositions de mécanismes financiers alternatifs – banque de développement, règlements en monnaies nationales – renforcent cette ambition.

Pourtant, la réalité reste contrastée. L’Afrique, présentée comme un partenaire stratégique, n’a pas encore trouvé sa place au sein de l’organisation. L’Algérie, candidate déclarée, peine à franchir le pas. L’absence de représentation africaine à Tianjin illustre ce décalage entre discours et intégration concrète.

Vers un bloc économique et politique ?

Sur le plan économique, l’OCS franchit une étape avec des projets structurants : corridors énergétiques verts en Asie centrale, promotion de l’intelligence artificielle et du numérique, et hausse continue des échanges entre la Chine et ses voisins (40 milliards USD sur les cinq premiers mois de 2025). L’objectif affiché est clair : réduire la dépendance au dollar et créer un espace économique autonome.

Sur le plan géopolitique, Tianjin marque une convergence inédite : Chine, Russie et Inde affirment, malgré leurs rivalités, une volonté commune de peser sur l’ordre mondial. La Turquie, fidèle à son rôle de « puissance pivot », s’invite dans ce jeu sans tourner le dos à l’Occident. Le Sud global reste pour l’heure spectateur, mais avec des perspectives d’intégration progressive.

Une bascule vers l’Eurasie ?

Au terme de ce sommet, l’OCS s’affirme comme un acteur incontournable du paysage international. Pékin impulse, Moscou valide, New Delhi manœuvre, Ankara observe et l’Afrique attend son heure. L’OCS de Tianjin ne signe pas encore la fin de l’ordre dominé par l’Occident, mais confirme l’émergence d’un centre de gravité eurasiatique autour duquel se cristallisent les ambitions du multipolarisme.

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