La Télévision Suisse diffuse un documentaire choc sur l’utilisation d’armes chimiques par la France en Algérie

Ce dimanche 9 mars 2025, la Télévision Suisse diffuse le film documentaire L’Algérie… sections armes spéciales, réalisé par Claire Billet. Ce documentaire dévoile une page sombre et longtemps restée secrète de la guerre d’Algérie : l’utilisation par l’armée française d’armes chimiques interdites en vertu du Protocole de Genève de 1925.

Un secret dévoilé

Malgré la signature par la France de la convention interdisant ces armes, qui avaient causé des ravages pendant la Première Guerre mondiale, le film met en lumière la décision politique qui a conduit à leur usage massif en Algérie entre 1954 et 1959.

S’appuyant sur les travaux de l’historien Christophe Lafaye, spécialiste en histoire militaire, ainsi que sur des témoignages de soldats français et d’anciens combattants algériens, le documentaire révèle des documents inédits. L’un d’entre eux, une lettre de mars 1956 du commandant suprême de la région militaire n°10 adressée au ministre d’État des Forces armées, Maurice Bourges-Maunory, confirme l’approbation de l’utilisation des “moyens chimiques” en Algérie.

Des attaques chimiques systématiques

Dès septembre 1956, une réunion de l’état-major des armées discute de la “politique générale d’utilisation des armes chimiques”. L’objectif principal était de détruire les grottes servant de refuges aux combattants algériens, en les asphyxiant ou en les rendant inhabitables. Les enfumades, un procédé dénoncé récemment par Jean-Michel Aphatie, journaliste français à RTL qui lui a valu la suspension voire l’éviction de cette station radio.

L’unité des armes spéciales a ainsi vu le jour en décembre 1956, et des équipes ont été déployées sur l’ensemble du territoire algérien. Les armes utilisées provenaient principalement des stocks de la Première Guerre mondiale, notamment le gaz CN2D, un composé toxique à base d’arsénique (Adamsite ou DM) et de chloroacéto-phénone (CN), un gaz extrêmement nocif.

Le massacre de Ghar Ben Chattouh : un témoignage accablant

L’un des épisodes les plus marquants documentés dans le film est le bombardement de la grotte de Ghar Ben Chattouh dans les Aurès, le 22 mars 1959. Selon les témoignages recueillis, environ 150 personnes y ont trouvé la mort suite à une attaque au gaz. Ce drame est l’un des nombreux cas recensés par Christophe Lafaye, qui estime qu’entre 8 000 et 10 000 bombardements chimiques ont été effectués durant la guerre d’Algérie.

Actuellement, il a pu documenter près de 440 de ces attaques et travaille à l’établissement d’une cartographie des sites concernés. Toutefois, l’inventaire complet de ces opérations reste encore à finaliser.

Un tabou levé ?

Le film L’Algérie… sections armes spéciales suscite déjà des réactions en France et en Algérie. Longtemps passé sous silence, ce pan de l’histoire pourrait relancer les débats sur les conséquences de la colonisation et les responsabilités de l’État français. Il est à noter que la France n’a définitivement interdit la fabrication et l’utilisation des armes chimiques qu’en 1993.

Produit par Luc Martin-Gousset pour SOLENT Production, ce documentaire de 52 minutes sera également diffusé sur la chaîne France 5 le 16 mars 2025. Il s’inscrit dans la volonté de faire émerger la vérité sur les pratiques de guerre et d’interroger l’héritage du passé colonial.

A propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *