Affaire Amir DZ : Quand on confond les clowns avec les résistants, c’est que le cirque a remplacé la République

Photo : Amir DZ avec Mohamed ZITOUT, fondateur de l’organisation islamiste Rachad

Il y a des soirs où l’on referme son poste de télévision avec une étrange sensation de vertige. Ce samedi 12 avril, les téléspectateurs français ont découvert, lors du journal de 20h diffusé sur une chaîne publique, un reportage mettant en scène Amir Boukhors, alias Amir DZ, en victime héroïque d’un prétendu complot orchestré par les services secrets algériens. L’émission le dépeint en opposant politique, en figure de la liberté d’expression. Mais au-delà de l’image savamment façonnée, qui est vraiment Amir DZ ?

Un personnage trouble passé entre les mailles du filet

Amir Boukhors est un ancien migrant sans papiers, régularisé en France après avoir fui l’Algérie. Sans diplôme, au parcours scolaire interrompu très tôt, il a bâti sa notoriété sur les réseaux sociaux à coups de vidéos diffamatoires, de dénonciations sans preuves, et d’attaques personnelles ciblées. Il se présente comme “journaliste d’investigation”, sans jamais avoir exercé dans une rédaction, ni produit une seule enquête vérifiée. Il se fait connaître par une rhétorique agressive, des mises en scène de persécutions et une posture de victime permanente.

Plus grave encore, Amir DZ a entretenu pendant plusieurs années des liens directs avec l’organisation islamiste radicale Rachad, classée terroriste par l’Algérie. Organisation issue de l’idéologie du Front islamique du salut (FIS), Rachad prône la chute du régime algérien à travers des discours de rupture et de confrontation. Amir DZ a collaboré avec ses membres jusqu’à une rupture publique sur fond de soupçons de détournement de fonds : une cagnotte PayPal censée financer des avocats pour des opposants n’aurait jamais atteint ses bénéficiaires. L’affaire a provoqué un conflit entre Amir DZ et Mohamed Zitout, secrétaire général de la mouvance islamiste, réfugié à Londres, jetant une lumière crue sur les relations troubles qu’il a su entretenir avec plusieurs cercles extrémistes.

Quand l’État ferme les yeux

La question reste entière : comment un État comme la France, doté de services de renseignement performants, de structures judiciaires solides, et d’une diplomatie réputée pour sa vigilance, a-t-il pu laisser un tel personnage se hisser au rang d’opposant officiel ? Comment expliquer que cet homme, au profil instable et au parcours obscur, ait pu obtenir l’asile politique, acheter des biens immobiliers en France, mener un train de vie aisé, conduire des voitures de luxe, pendant que d’autres exilés, souvent plus intègres, croupissent dans l’ombre des centres de rétention ?

Le contraste est saisissant, et il interroge. Surtout lorsqu’on observe le traitement médiatique et institutionnel dont Amir DZ bénéficie depuis quelques jours.

Une mise en scène bien orchestrée ?

L’affaire repart dans l’actualité nationale au moment même où les relations entre Paris et Alger traversent une nouvelle zone de turbulence. Alors que les présidents français et algérien tentaient d’apaiser les tensions, le ministre de l’Intérieur, silencieux depuis plusieurs jours, revient sur le devant de la scène à travers un dossier qui tombe à point nommé : une prétendue tentative d’enlèvement d’Amir DZ, sur le sol français, par des agents secrets algériens.

Le récit diffusé évoque un enlèvement digne d’un film de série B. Selon Amir DZ, quatre faux policiers l’auraient intercepté, menotté, et séquestré dans un conteneur avant de le relâcher 27 heures plus tard, après s’être rendu compte de leur erreur. Trois hommes sont aujourd’hui mis en examen, dont un agent consulaire algérien. L’Algérie proteste vigoureusement, dénonçant une “cabale judiciaire”.

Derrière ce traitement, faut-il y voir une opération de diversion ? Une instrumentalisation d’un fait divers pour relancer la pression sur Alger ? Ou une tentative désespérée de masquer le flou d’une diplomatie en échec ?

La République sélective dans ses indignations

Ce dossier soulève une autre interrogation, plus grave encore : la France choisit-elle désormais ses opposants à la carte ? Et selon quels critères ? La popularité sur TikTok est-elle devenue un brevet de légitimité politique ? Faut-il crier plus fort, inventer des persécutions, s’entourer de réseaux douteux pour obtenir la lumière des projecteurs républicains ?

Le cas Amir DZ semble illustrer une tendance préoccupante : celle d’un État qui confond la liberté d’expression avec la glorification de la subversion, qui remplace la rigueur journalistique par l’influence, et qui crédibilise des récits bancals au détriment de la cohérence diplomatique.

La France s’égare-t-elle dans son propre miroir ?

En légitimant, par une mise en scène télévisée, une figure aussi controversée, la France donne l’image d’une République déboussolée. Elle sacrifie ses principes au profit d’un récit médiatique, oublie ses exigences morales, et court-circuite les mécanismes de vérification les plus élémentaires. À quel moment a-t-on décidé qu’un influenceur sulfureux méritait davantage d’attention qu’un intellectuel, un écrivain, un journaliste reconnu ? La question n’est plus seulement celle d’Amir DZ. Elle est celle de l’image que la République veut donner d’elle-même.

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