Corruption au Parlement européen : Après le MorrocoGate, Le ChinaGate secoue l’Europe

Le géant technologique chinois Huawei fait à nouveau les gros titres, mais cette fois-ci pour des raisons bien moins reluisantes. Vendredi dernier, l’entreprise a fait savoir qu’elle appliquait une “tolérance zéro” envers la corruption, suite à l’ouverture d’une enquête sur la corruption impliquant des anciens ou actuels députés du Parlement européen. Cette affaire, surnommée “ChinaGate”, pourrait avoir de lourdes répercussions tant sur la réputation de l’entreprise que sur les relations diplomatiques entre la Chine et l’Europe.
Une enquête de grande ampleur
L’enquête, menée par les autorités belges et portugaises, a été lancée après des accusations selon lesquelles des lobbyistes travaillant pour Huawei auraient tenté de corrompre des parlementaires européens. L’objectif serait de favoriser l’influence de Huawei sur le marché européen des télécommunications et de contrer les efforts de lobbying menés par les États-Unis depuis 2019 pour exclure l’entreprise des marchés sensibles, notamment ceux liés à la 5G et à la cybersécurité.
Dans le cadre de cette enquête, une centaine de policiers ont mené 21 perquisitions en Belgique et au Portugal. Plusieurs personnes, principalement des lobbyistes, ont été interpellées. Selon des sources proches de l’enquête, ces lobbyistes auraient agi pour influencer les législateurs européens et pousser en faveur d’une présence accrue de Huawei en Europe, malgré les sanctions et restrictions imposées par certains gouvernements, notamment les États-Unis.
Huawei réagit
Face à ces accusations graves, Huawei a réagi rapidement. Un porte-parole de l’entreprise a exprimé la volonté de la société de coopérer pleinement avec les enquêteurs. “Huawei prend ces allégations au sérieux et communiquera de manière urgente avec les enquêteurs pour mieux comprendre la situation”, a-t-il déclaré dans un communiqué à l’AFP. L’entreprise a également insisté sur sa politique de “tolérance zéro” en matière de corruption, cherchant à se dissocier de toute implication dans cette affaire.
Cette réaction survient dans un contexte déjà tendu entre Huawei et les pays européens, qui ont dû jongler entre la nécessité de moderniser leurs infrastructures télécoms et les pressions des États-Unis pour interdire le constructeur chinois des réseaux 5G en raison de préoccupations liées à la sécurité.
Un lobbying agressif
L’enquête met en lumière le rôle croissant du lobbying dans les décisions prises au sein des institutions européennes, notamment en ce qui concerne des secteurs technologiques stratégiques. Huawei, qui est un acteur majeur du marché mondial des technologies de communication, a souvent été accusé de mener des stratégies de lobbying agressives, notamment en Chine, en Europe et en Afrique, pour assurer sa domination dans l’industrie des télécoms.
Les États-Unis ont été les principaux adversaires de Huawei, poussant leurs alliés européens à prendre des mesures contre l’entreprise en invoquant des risques de cybersécurité. Le géant chinois, de son côté, cherche à surmonter ces obstacles en influençant les politiques européennes, où plusieurs pays, comme la France et l’Allemagne, ont modéré leur position vis-à-vis de Huawei.
Des répercussions politiques
L’affaire “ChinaGate” pourrait avoir des répercussions majeures, non seulement sur l’entreprise mais aussi sur la politique européenne. En effet, si les accusations sont confirmées, elles viendraient écorner la crédibilité de l’Union européenne en matière de lutte contre la corruption et l’intégrité politique. L’influence de puissances étrangères sur les décisions législatives européennes pourrait remettre en question la transparence des processus décisionnels.
Les députés européens, qui ont déjà été secoués par le scandale du “Qatargate” puis du “MorrocoGate “, où plusieurs membres du Parlement avaient été accusés de corruption par le Qatar et el Maroc, se trouvent une nouvelle fois au centre d’une tempête médiatique. Cette affaire pourrait accentuer la pression sur les institutions européennes pour renforcer les mécanismes de contrôle et de transparence dans le cadre de leurs relations avec des acteurs étrangers.
Vers une nouvelle phase des relations UE-Chine ?
L’affaire “ChinaGate” intervient à un moment clé pour les relations entre l’Union européenne et la Chine. Après des années de tensions commerciales et politiques, cette enquête pourrait aggraver le fossé entre les deux puissances. La Chine, de son côté, pourrait voir cette affaire comme une tentative de déstabilisation de l’un de ses plus grands champions technologiques en Europe, tandis que l’UE devra naviguer prudemment entre les intérêts économiques et la nécessité de préserver l’intégrité de ses institutions.