La diaspora algérienne sort de l’ombre : Tebboune renoue les liens, l’Algérie se réinvente avec ses enfants du monde

Photo à Bruxelles : de gauche à droite : le Consul général d’Algérie à Bruxelles, le Secrétaire d’état chargé de la Communauté nationale à l’étranger et l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles.
Rédigée à la demande du Conseil Mondial de la Diaspora Algérienne (CMDA), cette tribune signée par Lila Lefèvre a été publiée pour la première fois dans le numéro inaugural du magazine DZ MAG, édité et diffusé par le CMDA à l’occasion du gala du 23 mai 2025 à Paris. La rédaction d’Atipik la republie aujourd’hui avec l’accord préalable de la direction du CMDA.
Dispersée, marginalisée, longtemps reléguée à la périphérie du débat national, la diaspora algérienne ouvre aujourd’hui un nouveau chapitre. Sous l’impulsion du président Abdelmadjid Tebboune, un lien inédit, à la fois stratégique et affectif, se tisse entre l’Algérie et ses enfants établis à l’étranger. Une révolution douce mais déterminante, porteuse de profondes mutations pour l’avenir du pays. C’est dans cet élan qu’est né le Conseil Mondial de la Diaspora Algérienne (CMDA), porté par une élite algérienne diverse, rassemblée autour d’un homme de terrain : Karim Zéribi, franco-algérien et ancien député européen. Son credo est clair et rassembleur : « Nous voulons construire des ponts, là où d’autres veulent ériger des murs. »
De l’exil à la renaissance d’un lien
Pendant des décennies, les Algériens établis à l’étranger — en particulier en France, où ils constituent la plus importante communauté issue de l’immigration maghrébine — ont vécu dans un entre-deux inconfortable : perçus comme des étrangers dans leur pays d’origine et comme des immigrés dans leur pays d’accueil. Dispersée, parfois déconsidérée par les institutions algériennes, la diaspora semblait tenue à l’écart de la vie nationale. Un isolement aggravé par les lenteurs administratives, les lourdeurs consulaires et l’absence d’une réelle politique d’inclusion.
Mais en 2024, un tournant s’opère. Pour son second et dernier mandat, le président Abdelmadjid Tebboune place la diaspora au cœur de son projet de gouvernance. Il ne s’agit plus simplement de discours ou de symboles : des mesures concrètes, inédites et hautement symboliques sont mises en œuvre.
Des gestes forts, une volonté assumée
Dès les premiers mois de l’année, les signes de cette réorientation sont visibles. L’annonce du transfert gratuit en Algérie des dépouilles des Algériens décédés à l’étranger crée un électrochoc positif dans la communauté. Pour beaucoup, c’est une reconnaissance posthume, mais surtout politique. L’État affirme ainsi que les Algériens de la diaspora sont pleinement membres de la nation, où qu’ils vivent, quelle que soit leur nationalité secondaire.
Dans la foulée, le gouvernement nomme un ministre délégué chargé de la diaspora. Ce dernier entame une tournée mondiale, de Paris à Montréal, de Bruxelles à Dubaï, à la rencontre des communautés algériennes. Objectif : écouter, comprendre, rassurer et surtout, bâtir un pont durable entre ces citoyens dispersés et leur pays d’origine.
L’accès au territoire national est également facilité. Les binationaux peuvent désormais entrer en Algérie sans visa, en présentant leur carte d’identité algérienne même expirée. Ce geste, hautement symbolique, efface une barrière psychologique majeure. L’Algérie ouvre grand ses portes à ses enfants du monde.
Été 2024 : le retour des millions
L’effet ne se fait pas attendre. L’été 2024 marque un afflux sans précédent : plusieurs millions d’Algériens vivant à l’étranger rentrent au pays pour les vacances. Les aéroports, les ports et les routes témoignent d’un engouement inédit. Mais au-delà du tourisme affectif, c’est un retour porteur d’opportunités.
Beaucoup de ces visiteurs viennent avec des projets. Entrepreneurs, universitaires, médecins, journalistes, ingénieurs… la diaspora algérienne a considérablement évolué. Loin des clichés d’une immigration ouvrière ou isolée, elle s’est enrichie, structurée, professionnalisée. Elle détient aujourd’hui un capital humain impressionnant, souvent formé dans les meilleures institutions mondiales.
Certains commencent à investir : création de start-ups, lancement de marques, ouverture de cliniques ou de centres de formation. D’autres entament les démarches pour un retour définitif. Pour la première fois, le rêve de contribuer au développement du pays devient accessible, soutenu par la volonté politique du sommet de l’État.
Investir, s’implanter, transformer
Conscient du potentiel de cette force vive, le gouvernement algérien multiplie les initiatives pour faciliter l’investissement des diasporiques : simplification des procédures, exonérations fiscales temporaires, assistance juridique, guichets uniques. Le message est clair : l’Algérie a besoin de ses enfants, et elle leur tend la main.
De son côté, le CMDA, très opérationnel, se renforce à travers les principales capitales du monde pour guider et informer la diaspora.
Des conventions sont en cours de signature avec des associations de professionnels algériens établis à l’étranger. L’idée : créer des ponts de savoir-faire, organiser des transferts de technologie, faire du lobbying économique à l’international et contribuer à moderniser l’économie nationale.
Les premières retombées sont déjà visibles : l’intérêt de jeunes entrepreneurs franco-algériens pour les secteurs du numérique, de l’agroalimentaire ou de l’écotourisme, ou encore le lancement d’initiatives de recherche collaborative entre universités algériennes et établissements européens.
CMDA : le bras stratégique de la diaspora
Le Conseil Mondial de la Diaspora Algérienne ne se limite pas à jouer un rôle d’accompagnement économique. Il se structure aujourd’hui comme un acteur central d’influence, dans une logique de soft power assumé.
Présent à Paris, Dubaï, Montréal, et très prochainement à Londres, Berlin, ainsi qu’à Bruxelles et Washington, le CMDA entend combler un vide stratégique : l’absence quasi-totale de représentation algérienne dans les sphères économiques et politiques internationales, là où se joue une partie de l’avenir des nations.
À travers des relais locaux, des partenariats institutionnels, et une présence croissante dans les forums mondiaux, le CMDA entend positionner la diaspora comme un levier d’influence géopolitique et économique. Une diplomatie parallèle, complémentaire, mais essentielle. Car sans voix dans les capitales du pouvoir, aucune stratégie nationale ne peut être complète.
Cette approche pragmatique, articulée autour de l’écoute des besoins de terrain et d’une vision à long terme, pourrait bien faire du CMDA l’un des piliers de la nouvelle stratégie algérienne à l’international.
Une diaspora qui s’éveille politiquement
Mais le réveil de la diaspora est aussi politique. En Europe, notamment en France et en Belgique, les Algériens prennent conscience de leur poids. Des figures émergent, des collectifs se forment, et l’idée d’un lobbying organisé fait son chemin. L’objectif n’est pas seulement de défendre leurs droits dans les pays d’accueil, mais aussi de peser dans les relations bilatérales, de promouvoir une image moderne et positive de l’Algérie, et de jouer un rôle actif dans le développement du pays d’origine.
Cette dynamique est encore en construction, mais elle est porteuse d’un immense potentiel. Elle pourrait, à terme, repositionner l’Algérie dans le jeu mondial grâce à sa diaspora comme levier d’influence et de croissance.
Un avenir à consolider
Certes, tout n’est pas parfait. Les problèmes bureaucratiques subsistent, les lenteurs administratives freinent certains élans, et la méfiance d’une partie de la diaspora reste présente. Mais pour la première fois depuis longtemps, l’Algérie donne des signes tangibles de volonté d’inclusion. Et cela change tout.
Ce début d’ère Tebboune II pourrait marquer un moment charnière : celui où l’Algérie décide de faire de ses enfants de l’étranger non plus des exilés, mais des acteurs à part entière de sa transformation. Si cette dynamique se poursuit, si elle est accompagnée de réformes en profondeur et de continuité politique, alors le pari d’un partenariat gagnant-gagnant entre l’Algérie et sa diaspora sera tenu.
Le rendez-vous est donné dans deux ou trois ans pour un premier bilan. Mais une chose est sûre : la diaspora algérienne s’éveille, elle se structure, et elle commence à peser. En silence, elle pourrait bien devenir l’un des moteurs de l’Algérie de demain.