Pourquoi l’ordre financier international actuel ne favorise pas la multipolarité ?

A l’approche du prochain sommet des BRICS, du 22 au 24 Octobre 2024 à Kazan en Russie, les BRICS doivent se prononcer sur un certain nombre de sujets cruciaux. En particulier ceux en lien avec le système d’information et de paiement destiné à contourner le système Swift et les sanctions occidentales. De même que celui de la plateforme commune de règlement en monnaies nationales et l’adoption d’une monnaie de compte commune aux membres. Sans doute aussi la question de l’élargissement du groupe à d’autres membres, bien que le ministre russe des Affaires étrangères ait annoncé récemment une pause dans le processus d’élargissement du groupe.

Tous ces sujets se retrouvent dans la conférence que j’ai donnée devant le groupe des experts des BRICS, ayant été admis à faire partie de ce cercle restreint et ce, en tant qu’algérien, dois-je préciser. Bien que mon pays n’ait pas été jugé prêt à intégrer les BRICS, j’ai tenu à faire entendre sa voix, même si elle n’est en aucun cas officielle, car les BRICS doivent beaucoup au mouvement des non-alignés, dont notre pays a été un des piliers depuis 1967.

Aux lecteurs cependant de juger de la pertinence des propositions et critiques qui sont avancées.

LES ORIGINES DE L’ORDRE UNIPOLAIRE ACTUEL

Sur le plan politique, il y a eu la création de l’ONU et du Conseil de sécurité, qui est l’un des six organes principaux créés par la charte des Nations Unies et la seule habilité à émettre des résolutions contraignantes pour les Etats membres. Le droit de véto accordé aux cinq membres permanents de ce conseil est régulièrement contourné par les Etats-Unis, qui décrètent seuls, ou avec leurs alliés occidentaux de l’OTAN, des interventions militaires ou des sanctions contre les Etats membres qui veulent affirmer leur souveraineté sur leur sol et leurs ressources (Afghanistan, Yougoslavie, Irak, Syrie, etc.).

Ce phénomène s’est accéléré depuis l’effondrement de l’URSS, qui a laissé la place à un monde unipolaire, dominé par la super puissance américaine. Du moins jusqu’à sa contestation par la nouvelle Russie et l’émergence des BRICS.

Sur le plan économique et financier, il y a eu les Accords de Bretton-Woods de Juillet 1944, qui ont mis en place :

Un système monétaire mondial centré sur un dollar convertible en or (au cours fixe de 35)

Deux organismes multilatéraux de financement : le FMI, chargé d’assurer la stabilité du nouveau système monétaire international, par l’octroi d’une assistance technique et de crédits aux pays qui connaissent des difficultés financières, et la Banque Internationale pour le Financement et le Développement (BIRD).

La convertibilité du dollar en or a cependant cessé le 15 Août 1971, par décision du président Nixon. Cette décision a ouvert la voie, en 1973, au flottement général des monnaies et à l’abandon, en 1976, de toute référence à l’or dans le système monétaire international.

Il s’est agi là de la rupture d’un contrat de confiance, en contradiction avec l’esprit et la lettre des Accords de Bretton Woods, qui visaient à éviter les crises monétaires, à l’origine du protectionnisme, du nationalisme et de la guerre.

Sur le plan stratégique, les américains ont passé deux accords d’une extrême importance qui ont renforcé le poids du dollar :

L’accord entre les USA avec l’Arabie Saoudite, qui engageait les saoudiens à n’accepter que le dollar dans ses ventes de brut et à investir les bénéfices générés dans des bons.

L’accord Jimmy Carter et Den-Xiao-Ping conclus en 1979, qui contenait un volet secret, que l’on peut résumer ainsi : « vous exportez autant que vous voulez chez nous, mais à condition d’investir vos surplus dans nos bons du Trésor ». A partir de là, les exportations chinoise se sont considérablement développées et la Chine a accumulé jusqu’à 1’800 milliards de dollars (2016) de bons du trésor américains (soit 1/4 de la dette publique fédérale américaine).

Ces accords ont été lourds de conséquences puisqu’ils ont permis aux Etats-Unis de créer des déficits à la hauteur de la demande mondiale en dollars et financer ainsi sans limites leurs dépenses civiles et militaires. Sans aucune contrainte budgétaire et sans risques pour leur économie.

Il y a, enfin, la taille et de la profondeur du marché financier américain, qui a rendu attractive la détention de dollars qui ont consolidé, techniquement parlant, la domination du dollar. Sur les marchés boursiers américains, tout est coté, et en dollars : l’énergie, les matières premières, l’or, les devises, la dette de l’Etat, des entreprises et des particuliers et ce, au comptant et à terme, sans parler des produits dérivés.

En résumé, ce sont tous ces facteurs combinés qui ont permis aux américains de s’imposer comme la superpuissance dominante. De vassaliser l’Europe et d’affaiblir l’URSS, d’engager des opérations de déstabilisation, et des guerres aux quatre coins du monde, de décréter des sanctions économiques, le gel et la confiscation des avoirs d’Etats souverains.

Leurs intérêts nationaux vitaux sont leur seule boussole. C’est ainsi qu’au cours des années 1970, dans l’univers post Bretton-Woods, ils ont laissé glisser le cours du dollar à des niveaux qui ont redonné de la compétitivité à leur économie, mais une décision qui a mis en péril la situation financière de nombreux pays exportateurs de matières premières. De même, pour lutter contre l’inflation qui sévissait au début des années 1980, la Réserve fédérale américaine n’a pas hésité à hisser son taux d’intérêt de base à un niveau de 20%, entraînant la faillite de nombreux pays d’Amérique latine et d’Afrique. Incapables de rembourser leurs dettes, ils ont été acculés à aller au FMI. Et, si la hausse des taux d’intérêt entraine celle du dollar, le monde entier en subit les effets. Ce qui est bien résumé par la déclaration cynique du Secrétaire du Trésor américain John B. Connally en 1971 : « Le Dollar, c’est notre monnaie, mais c’est votre problème ».

Les déficits budgétaires US sont devenus structurels et ne cessent de grimper. Celui de cette année atteint les 2000 milliards de dollars. Les dépenses militaires comptent pour moitié dans ce déficit et servent à financer plus de 800 bases militaires, ainsi que leur influence à l’étranger, grâce à un budget de renseignement colossal (50 milliards de dollars pour la NSA et la CIA).

Les BRICS ont raison de vouloir briser la logique absurde qui consiste à financer eux-mêmes une monnaie qui attente à leur souveraineté. D’autant qu’il est clair que les Américains ne mettront pas d’eux-mêmes un terme à l’accroissement exponentiel de leurs déficits budgétaires (dont le cumul atteint déjà les 35’000 milliards de dollars), qui devraient continuer à gonfler au cours des prochaines années, selon les dernières projections du FMI.

LES CONTRADICTIONS INTERNES DU SYSTÈME ANNONCENT SES LIMITES

Le contre-coup : défiance vis-à-vis du dollar et rapatriement de l’inflation américaine

La crainte des sanctions et de gel des avoirs, devenues un élément récurrent de la politique étrangère américaine conduit les étrangers à acheter de moins en moins de dette américaine. Ce qui est arrivé à la puissante Russie pourrait arriver à n’importe quel pays. Cette crainte est ressentie même par des pays alliés traditionnels des USA, comme l’Arabie saoudite et les EAU. Elle n’est pas étrangère à leur décision de rejoindre les BRICS…et trois douzaines d’autres pays frappent à la porte.

La défiance vis-à-vis de la dette américaine conduit la Federal Reserve à souscrire à une part de plus en plus grande de bons du trésor.

Une défiance aggravée par trois autres facteurs : la politique protectionniste antichinoise, qui a démarré sous Donald Trump et dont l’effet est de priver l’Amérique des produits chinois bon marché, la pandémie du Covid 19 qui a désorganisé pendant deux ans les chaînes logistiques et la guerre en Ukraine et ses conséquences (sabotage des gazoducs Nord Sream et sanctions anti russes), qui ont renchéri le coût de l’énergie et des produits agricoles.

Pour contrer justement une inflation qui atteint des sommets inégalés depuis les années 1980, La Federal Reserve (FED) s’emploie depuis près de deux ans à retirer des liquidités du marché en vendant divers titres du Trésor aux banques, en accompagnement de sa politique monétaire. Treasury Bills (de 4 semaines à un an), Treasury Notes (de 2 à 10 ans) et Treasury bonds (20-30 ans).

Or, cet objectif est aujourd’hui contrarié par l’obligation où elle se trouve de devoir souscrire en même temps aux nouvelles émissions du Trésor américain, dont les besoins sont justement alourdis parles intérêts à rembourser par l’État fédéral qui pourraient représenter, selon les experts, près de la moitié de l’ensemble des recettes fédérales d’ici 2050.

L’inquiétude des autorités américaines :

Deux indices illustrent cette inquiétude : le premier est le forcing fait auprès de l’Arabie saoudite pour la convaincre de ne plus facturer son pétrole en Yuan chinois ou en autres monnaies, et de continuer à acheter des bons du Trésor. De revenir, en somme, à l’accord de 1973. Le second est la visite que la secrétaire d’État Yellen a effectuée le 6 juillet dernier à Pékin. L’objectif véritable de cette visite était de persuader les Chinois de reprendre leurs achats de bons du Trésor américains. Ce qui sonne comme le désir de revenir à l’accord Carter–Den Xiao Ping de 1979.

COMMENT ETABLIR UN ORDRE FINANCIER MULTIPOLAIRE

La rupture du contrat de confiance par les américains en août 1971 a porté un premier coup mortel aux accords de Bretton-Woods.

Mais les américains bloquent, par leur veto, la réforme des institutions issues de ces accords (FMI et Banque mondiale). Il faut actuellement 85% des voix pour réformer le FMI. Or, les États-Unis, avec 17%, peuvent bloquer cette réforme. Idem pour la Banque mondiale, dont les Etats-Unis contrôlent 15,80% des droits de vote. Avec leurs alliés occidentaux, ils en détiennent plus de 50%. Ceci leur a permis de conserver leur droit de véto. En effet, quand, sous les pressions des pays nouvellement indépendants, ils ont été obligés d’abaisser le niveau de leurs droits de vote, ils ont quand même pu préserver leur véto avec l’aide de leurs alliés. En portant la majorité requise pour modifier les statuts de 80 à 85%. C’était en 1987.

Ce à quoi il faut ajouter que, selon une règle non écrite, mais appuyée par les alliés de Washington, le président de la banque mondiale doit toujours être un citoyen américain.

Dès lors, on peut comprendre que les BRICS aient choisi de porter le combat sur le terrain du changement progressif du rapport de forces, en travaillant à faire émerger un système monétaire et financier alternatif, multipolaire et plus équitable. Et ce, dans plusieurs directions :

L’usage des monnaies nationales. Le rouble, le Yuan et la roupie commencent à remplacer le dollar dans leurs échanges, y compris pour le pétrole et le gaz. Mais ceci est vu comme une étape intermédiaire dans le processus de dédollarisation, pas comme une fin, car cela pose le problème de l’usage qu’on peut faire des excédents et celui du mode de financement des soldes déficitaires.

La mise en place d’un système de paiements et d’informations financières alternatifs au Swift, en partant de systèmes déjà existants depuis de nombreuses années, comme le CIPS chinois ou le SBSF russe.

La création d’institutions multilatérales alternatives. En 2014, la Nouvelle Banque de Développement (NBD) au capital de 250 milliards de dollars, destinée à financer des projets de développement dans les pays membres, et en 2015, l’institution d’un Accord de Réserve Contingente (CRA : Contingent Reserve Arrangement), qui vise à fournir un

En engageant une réflexion sur l’émergence d’une monnaie commune. Cette problématique complexe est exposée au point suivant.

LA PROBLEMATIQUE DE LA MONNAIE COMMUNE EN SEPT POINTS

Un problème conceptuel à clarifier :

Il faut en effet admettre qu’il est impossible de créer une monnaie qui remplit les trois fonctions de paiement, de réserve et de facturation entre des pays qui sont un ensemble d’entités éparpillées sur tous les continents, à l’inégal degré de développement et aux systèmes politiques très différents. Pour cette raison, il me paraît que seul l’aspect « unité de compte » pourrait être opératoire.

Rapport de forces :

Dans leur tentative de réformer l’ordre monétaire international, les BRICS entendent s’élargir à un maximum de pays. Le groupe des BRICS, élargi maintenant à 10 membres, représente environ 46 % de la population mondiale, et 37 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat. Il pèse aujourd’hui plus lourd que le groupe du G7, qu’ils entendent dépasser dans les années à venir, en raison de leur croissance économique, surtout qu’il renfermera bientôt, en son sein, la quasi-totalité des Ajoutons qu’il renferme en son sein les principaux pays producteurs de pétrole.

Difficultés liées au contexte :

On ne peut pas remodeler du jour au lendemain un ordre monétaire qui remonte à 1945, en partant des seuls pays des BRICS, sauf dans une vision à moyen terme et d’élargissement réussi de ce mouvement à l’échelle de plusieurs dizaines de pays.

Mais un contexte favorable à une dédollarisation progressive :

La dollarisation de l’économie mondiale s’est nourrie, non pas du commerce avec les Etats-Unis, mais du commerce des autres pays entre eux. Le commerce extérieur américain ne représente en effet que 20% dans le total des échanges mondiaux, alors que le dollar est utilisé dans 60% de ces échanges. Par ailleurs, 90% des matières premières se négocient en dollars. C’est cette réalité qui donne d’ailleurs tout son sens au processus de dédollarisation en cours.

C’est ce contexte qui booste actuellement es échanges en monnaies nationales, y compris dans le domaine du pétrole et du gaz.

A quoi pourrait être rattachée la monnaie commune ?

Aperçu des propositions les plus discutées :

À une monnaie existante comme le Yuan chinois ? Impossible, parce que cela consisterait à créer une zone monétaire Yuan, qui ne serait pas dans l’intérêt des membres, d’autant plus que le Yuan ne remplit pas les conditions d’une monnaie de réserve.

À l’or ? Il n’y a pas assez d’or disponible pour les échanges internationaux, ce à quoi il faut ajouter que tous les pays de BRICS n’en sont pas pourvus également et que l’or ne répond pas à ce que l’on attend d’une monnaie, à savoir la stabilité et l’ancrage aux besoins économiques nationaux. Ses promoteurs l’envisagent d’ailleurs comme une monnaie de règlement, plutôt que comme une unité de compte.

À une ou plusieurs matières premières ? la difficulté est que ces matières ne sont pas réparties équitablement, et leur prix est fixé en dehors des BRICS.

À des cryptomonnaies ? Trop volatiles et sans rapport avec les contraintes économiques et les besoins de chaque pays.

À une cryptomonnaie stable ? L’une des propositions exprimées tout récemment par le ministre russe des finances, Anton Silouanov, consiste à émettre un « Stablecoin » arrimé à un panier de devises des BRICS, ou à émettre un Stablecoin adossé à un actif financier numérique lui-même dossé à un panier de devises des pays des BRICS. Mais on ne voit en quoi cette monnaie numérique serait stable, dans la mesure où elle fluctuerait en fonction du cours des devises qui composent le panier. Surtout que certaines monnaies comme la roupie indienne ne sont pas convertibles et que le groupe des BRICS est appelé à s’élargir.

À une « unité de compte composite » basée sur un panier de devises ou à un indice associant plusieurs produits de nature monétaire et marchande ? Ces biens seraient, selon ses promoteurs (le ministre russe Sergey Glazyev, chargé de l’intégration et de la macroéconomie de l’Union économique eurasiatique), un mélange de devises, de matières premières et d’énergie. Tous biens, en d’autres termes, qui entrent dans les productions et les échanges des pays des BRICS, et qui assureraient à l’indice une certaine stabilité. Les BRICS+ détiennent 80% des réserves de terres rares, céréales, étain, titane, chrome, pétrole, gaz, métaux précieux, entre autres. Ces actifs pourraient aussi inclure, selon les promoteurs de l’idée, les DTS (Droits de Tirages Spéciaux du FMI).

Le dosage de ces actifs doit convenir à tous, ce qui n’est pas simple, car il faudra surmonter trois écueils :

Le risque que la nouvelle monnaie ne soit par trop inflationniste, ce que l’élargissement du groupe, qui ne sera pas achevé avant des années, rendant difficile de stabiliser la composition et donc la valeur de la non-convertibilité de certaines monnaies. Les monnaies et produits qui entrent dans l’indice devront être librement côtés, pour pouvoir en définir quotidiennement la valeur, de manière indépendante des membres. Les idées foisonnent, mais aucune ne fait l’unanimité pour l’instant. Celle qui fait consensus est « un panier de quelque chose » qui unit les membres, mais qui reste à définir.

Une unité de compte basée sur le DTS + chambre de compensation = un changement total de paradigme

Pour illustrer l’importance du DTS dans le sujet qui nous occupe, il est utile de rappeler un fait d’une grande importance, mais étrangement oublié. Il s’agit du projet formulé par l’OPEP de modifier le libellé du prix du pétrole, en remplaçant le dollar par le DTS. Annulant ainsi l’accord signé avec l’Arabie saoudite deux ans plus tôt, en 1973.

Ce projet a été inscrit à l’ordre du jour du Sommet de cette organisation qui s’est tenu du 3 au 5 Mars 1975 à Alger. J’en garde un souvenir vivace car j’y étais personnellement présent. C’était aussi lors de ce Sommet que l’accord frontalier irano-irakien a été signé, entre le Shah d’Iran et Saddam Hussein. Il n’en fallait pas plus pour voir affluer à Alger des journalistes du monde entier.

De manière surprenante, ce projet n’a pas été retenu, sans faire l’objet de commentaires particuliers dans la presse et les milieux politiques d’alors. Cependant, tout le monde avait compris que c’est parce qu’il ne plaisait pas aux américains.

Encore plus surprenant est le fait que personne n’évoque jamais ce Sommet qui a failli changer la face du monde. Si le point inscrit à l’ordre du jour avait été adopté, jamais les Etats-Unis n’auraient pu asseoir leur domination sur le monde. Les pétrodollars n’auraient tout simplement pas existé.

Aujourd’hui, et par une étrange ironie du sort, quatre des dix membres des BRICS sont membres de l’OPEP, pesant plus de 50% dans la production mondiale de pétrole tandis que deux autres (la chine et l’Inde) comptent parmi les principaux consommateurs de pétrole. Ils devraient se rappeler de l’épisode de 1975.

L’importance du DTS est qu’il coche toutes les cases :

Il répond à l’objectif de stabilité. Sa composition même en est un gage. Il est, certes, composé de monnaies étrangères aux BRICS, mais le Yuan chinois y figure, avec un poids de 12,28%. Sa composition est revue tous les 5 ans pour tenir compte de l’évolution du poids de l’économie des différents pays. La prochaine réévaluation est prévue pour 2027. La roupie indienne devrait logiquement remplacer la Livre Sterling à cette date, ou même plus tôt, en cas d’aboutissement de la réforme générale.

  • Il est coté quotidiennement par les services du FMI.
  • Il est accepté par l’ensemble de la communauté internationale.
  • Il est, depuis la fin des taux de change fixes en 1973, la monnaie qui sert de
  • Les banques centrales de tous les pays en disposent dans leurs réserves de
  • S’Il ne peut être détenu par des particuliers ou des entités privées, les pays membres du FMI peuvent échanger entre eux des DTS contre des devises, en cas de besoin.
  • Il est utilisé comme monnaie de libellé dans les emprunts bilatéraux et multilatéraux du FMI.

Son rôle éventuel a, par ailleurs, déjà été évoqué pour la banque des BRICS, la NBD. Voici ce qu’en dit d’ailleurs Sergei GLAZYEV « Cette banque pourrait libeller en DTS son capital et ses opérations de prêts et d’emprunts. Avec l’immense avantage de contourner l’écueil actuel des sanctions, qui empêche cette banque d’engager la totalité de ses ressources (…) Il est nécessaire, à cet effet, de modifier les documents statutaires de cette banque ».

Au regard de toutes ses particularités, le DTS pourrait donc servir de transition idéale vers un système monétaire réformé. L’adoption par les BRICS d’une monnaie indexée sur le DTS pourrait rapidement faire tache d’huile dans les échanges internationaux.

En ce qui concerne le règlement des échanges, et pour réduire les quantités de monnaies nationales susceptibles d’être utilisées ainsi que les risques de change qui y sont liés les BRICS pourraient créer une chambre de compensation multilatérale.

Le règlement des soldes pourrait alors s’effectuer en or, ou en matières premières, ou par l’octroi d’une ligne de crédit par le créancier, qui pourrait être garantie, si nécessaire, par des actifs du pays débiteur : énergétiques, miniers, aurifères, industriels, agricoles ou autres.

Ce serait donc, par rapport à l’actuel système monétaire fondé sur la dette américaine, un changement complet de paradigme.

Le système de paiement basé sur la blockchain et les monnaies numériques est-il une solution ?

Faute de trouver un accord sur une monnaie commune, l’attention des BRICS semble se reporter sur la création d’un nouveau système de paiement, fondé sur la Blockchain et les cryptos, pour sortir de la dépendance du système- dollar et du système SWIFT. La plateforme numérique de règlement envisagée serait un substitut au système SWIFT, utilisant la technologie de la Blockchain, qui assure sécurité et instantanéité des transactions.

Le projet de BRICS Bridge :

Le 27 février dernier, à l’issue de la réunion des ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des BRICS à Sao Paulo, au Brésil, le ministère russe des finances a déclaré que d’ici la fin de l’année, le ministère et la Banque de Russie produiront un rapport sur les possibilités d’amélioration du système financier international. L’un des moyens pourrait être une plateforme BRICS Bridge.

Plus précisément, le ministre a déclaré : « Nous parlons de la création d’une plateforme multilatérale de règlement et de paiement numérique. »

Le règlement des soldes se ferait en monnaie numérique de banque centrale (CBDC), via une plateforme de BRICS Bridge, à l’instar de la BRIDGE qui connecte déjà les CBDC de 4 pays (Chine, EAU, Hong Kong et Thaïlande).

Le projet de BRICS Bridge comporte cependant une logique particulière. Si la Russie exporte vers l’Inde et ne veut pas recevoir de roupies, elle pourrait convenir que l’Inde paie dans une « 3ème devise », par exemple le renminbi chinois ou le dirham des Émirats arabes. Il reste, néanmoins, que l’utilisation d’une « troisième » devise engendre des coûts élevés liés à la conversion des paires de (cours croisés).

Ce problème pourrait être résolu par le recours à une unité de compte basée sur un panier de monnaies digitales de banques centrales des BRICS. Chaque monnaie aurait ainsi un taux de change par rapport au panier. Cette formule serait parfaitement compatible avec l’idée de base.

Projet d’un écosystème “Unit” :

Ce projet, qui aurait reçu le soutien du Conseil des affaires des BRICS, me semble intéressant parce qu’il innove par son lien avec la blockchain, en créant un système décentralisé qui pourrait permettre à cette unité monétaire de devenir, selon ses concepteurs, une monnaie de compte, de règlement et de réserve.

L’UNIT aurait deux valeurs : une valeur intrinsèque, basée sur un panier comprenant 40% d’or et 60% de monnaies des BRICS, et une valeur économique, celle du jeton UNIT qui est déterminée par l’offre et la demande, elle mêmes déterminées par son utilisation comme moyen d’échange ou comme stockage de valeur.

L’écosystème UNIT est conçu comme une plateforme ouverte pouvant accueillir différents agents économiques privés, publics ou étatiques.

Son adoption éventuelle permettrait aux États de pouvoir choisir de reconnaître l’UNIT comme monnaie éligible pour le commerce transfrontalier et accepter les paiements fiscaux et douaniers en JETONS UNIT.

Il n’est pas prévu que l’UNIT devienne une monnaie officielle, mais un complément aux monnaies locales, pratique pour les transactions, notamment transfrontalières. Elle est comme une monnaie fiduciaire utilisable par les particuliers.

Son indexation à 40% sur l’or et sur un basket de monnaies des BRICS présente deux Inconvénients, me semble-t-il :

L’élargissement programmé des BRICS conduira à redéfinir sans cesse la valeur intrinsèque de l’unité, ce qui nuira à sa stabilité, à quoi il faut ajouter la non-convertibilité de certaines monnaies des BRICS.

La référence à l’or n’est pas forcément un gage de stabilité ni un gage de la convertibilité de cette monnaie en or.

L’acceptabilité internationale de cette monnaie « Unit » serait cependant mieux assurée si elle était indexée sur une unité de compte composite stable, pour les raisons indiquées précédemment.

CONCLUSION

Compte tenu des enjeux exposés, il me semble que les BRICS devraient concentrer leurs efforts dans deux directions :

La priorité à accorder à leur élargissement. Les BRICS, dispersés sur trois continents, ne devraient pas être prisonniers des critères techniques qui régissent habituellement les processus d’intégration régionale. Ni être prisonniers de la règle du consensus pour l’adhésion de nouveaux membres. Ce serait, me semble-t-il, un piège dangereux. Le critère le plus pertinent ne serait-il pas plutôt l’adhésion à l’objectif stratégique d’établir un ordre international multipolaire et plus équitable ? Si tel est le cas, la force des BRICS serait dans l’accroissement de leur nombre. Il en découle que tous les pays qui adhèrent au même objectif devraient pouvoir en faire partie. Ce faisant, les BRICS pourront renverser à leur profit le rapport de forces à l’échelle de la planète et en finir avec l’hégémonie du dollar, base du monde unipolaire actuel.

La question de la dédollarisation est inséparable de la définition d’une unité de compte commune et d’un système de paiements et de transmission d’informations sécurisé et indépendant, comme alternative au SWIFT.

Le choix du DTS comme monnaie de compte stable et indépendante de toute autorité monétaire, permettrait de résoudre le problème du risque de change induit par l’utilisation des monnaies nationales. De plus, il préserverait la souveraineté monétaire ds pays membres. Dans une première étape, cette monnaie commune, indexée sur le DTS, servirait dans les échanges entre les membres des BRICS. Dans une seconde étape, et en fonction de son succès, elle pourrait être adoptée dans les échanges entre les BRICS et d’autres pays. Par ce choix, les BRICS enverraient aussi un message politique très fort car il viendrait relancer, de l’intérieur même du Système Monétaire issu de Bretton-Woods, la question de la réforme de ce système, revendiquée par la majorité des 190 membres du FMI.

La légitimité de ce choix est renforcée par le fait qu’il n’est pas en contradiction avec l’esprit des concepteurs du DTS. Les articles VII-7 et XXII du FMI stipulent que le DTS a vocation à devenir « le principal instrument de réserve du système international ».

Mais cette disposition des statuts est restée lettre morte et l’usage officiel du DTS est resté très limité car les américains ne voulaient pas d’une monnaie concurrente au dollar.

L’alternative au système SWIFT devrait pouvoir, quant à elle, être mise en place grâce à la technologie de la Blockchain. Les expériences de la plateforme Bridge et le concept de l’Ecosystème UNIT peuvent, à cet égard, servir d’inspiration.

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