Gaza, l’Europe face à son impuissance

Réunis samedi 30 août à Copenhague, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont une nouvelle fois exposé au grand jour leurs divisions sur la guerre de Gaza. Alors que la catastrophe humanitaire s’aggrave et que la famine est officiellement déclarée dans l’enclave, l’Europe se révèle incapable de parler d’une seule voix.

D’un côté, plusieurs États — l’Irlande, l’Espagne, la Belgique, la Suède ou encore les Pays-Bas — exigent des mesures concrètes. Pour eux, l’Union ne peut plus se contenter de déclarations de principe. Suspendre certains accords, limiter la coopération scientifique et technologique, envisager même des sanctions ciblées : autant de pistes pour marquer une rupture avec l’impunité dont bénéficie Israël. Ces pays rappellent que l’Europe s’est bâtie sur le refus des famines, des sièges et des guerres de destruction ; ne pas réagir aujourd’hui serait une trahison de ses propres valeurs.

À l’opposé, l’Allemagne, la Hongrie, la Slovaquie ou encore la Tchéquie s’accrochent à une ligne de prudence. Elles craignent les répercussions politiques, économiques et diplomatiques de sanctions. Elles plaident pour maintenir les canaux de coopération, même réduits, et pour éviter ce qui serait perçu comme une rupture frontale avec Tel-Aviv. Ce camp parvient, par le simple poids du droit de veto, à bloquer toute initiative ambitieuse.

Au milieu, la Haute représentante Kaja Kallas constate l’échec. Son constat est glaçant : même les propositions les plus modestes, comme suspendre la participation israélienne à certains programmes européens, n’ont aucune chance d’aboutir. L’Europe est paralysée par ses propres règles, prisonnière de l’exigence d’unanimité qui donne à chaque capitale un droit de blocage disproportionné.

Cette impuissance mine la crédibilité de l’Union européenne. Comment prétendre défendre le droit international si, face à des images de famine et de bombardements sur des civils, elle se contente de débats stériles ? Comment convaincre le reste du monde que ses valeurs sont universelles, si elles cèdent devant la realpolitik et les intérêts nationaux ?

Pourtant, une voie existe : utiliser la majorité qualifiée dans les domaines où elle est possible, notamment en matière de commerce et de financements. Ce serait un premier pas pour contourner l’immobilisme et envoyer un signal clair : l’Europe ne renonce pas à agir quand ses principes sont en jeu.

La réunion de Copenhague ne restera pas dans l’histoire comme un tournant, mais comme un révélateur. Révélateur d’une Union qui vacille entre courage moral et calculs politiques. Révélateur aussi d’une fracture croissante entre les peuples européens, largement favorables à une réponse ferme, et leurs gouvernements, souvent prudents jusqu’à l’inaction.

Face à Gaza, l’Europe ne manque pas de voix. Elle manque d’unité, de courage et d’audace. Et ce déficit-là, dans l’histoire, se paie toujours très cher.

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