La France change-t-elle de position sur le Sahara occidental ?

La récente reprise du dialogue entre Paris et Alger, entérinée par un appel téléphonique entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron le 31 mars, coïncide avec une inflexion subtile de la diplomatie française sur un dossier explosif : celui du Sahara occidental. Une inflexion qui n’est pas passée inaperçue.

Retour à une posture plus nuancée

Alors qu’en juillet 2023, Emmanuel Macron avait officiellement reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental — en rupture avec la position plus traditionnelle de la diplomatie française —, le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot a introduit, le 2 avril à l’Assemblée nationale, un changement de ton. Sans revenir sur l’alignement français avec le plan d’autonomie marocain de 2007, il a rappelé que la France restait « attachée à une solution politique durable et mutuellement acceptable sous l’égide des Nations Unies ».

Un retour à la rhétorique de l’équilibre, dans la droite ligne de la politique du « en même temps » chère à Emmanuel Macron.

L’impératif du dégel avec Alger

Ce réajustement survient à la veille d’un déplacement clé : celui de Jean-Noël Barrot à Alger le dimanche 6 avril, pour lancer une feuille de route de sortie de crise après huit mois de brouille diplomatique. Depuis l’annonce de la reconnaissance de la marocanité du Sahara, l’Algérie avait rappelé son ambassadeur à Paris, poste toujours vacant à ce jour.

Au-delà du Sahara, d’autres contentieux ont alourdi l’atmosphère : l’affaire Boualem Sansal, les tensions autour des OQTF ou encore la montée des discours hostiles à l’immigration en France. Dans ce contexte, la réouverture d’un canal de communication est vitale pour les deux capitales.

Paris sait qu’elle ne peut durablement se couper de l’Algérie, acteur central dans la sécurité du Sahel, pourvoyeur stratégique en gaz et partenaire incontournable dans les équilibres euro-méditerranéens.

Un réajustement qui risque d’agacer Rabat

Reste à savoir comment ce changement de ton sera reçu à Rabat. Depuis plusieurs années, le Maroc mène une diplomatie très offensive sur la question du Sahara occidental, conditionnant sa coopération avec ses partenaires à une reconnaissance claire de sa souveraineté sur ce territoire.

Le discours de Barrot pourrait être perçu par le Royaume comme un début de rétropédalage, voire comme une trahison déguisée. D’autant que Rabat estime que les termes “plan d’autonomie” et “solution onusienne” ne sont pas interchangeables : l’un suppose la fin de la question sahraouie, l’autre son maintien dans une logique de compromis.

Le ministre français s’est engagé à discuter très prochainement de ce dossier avec son homologue marocain Nasser Bourita. L’occasion de clarifier les intentions de Paris et d’éviter un nouveau malentendu.

Une ligne de crête fragile

En voulant ménager à la fois Alger et Rabat, la France tente un exercice d’équilibrisme diplomatique à haut risque. Trop de flou pourrait fragiliser sa position au Maghreb, où les lignes de fracture sont devenues de plus en plus nettes ces dernières années.

La question sahraouie est désormais un test de loyauté pour les puissances extérieures. En modulant son discours, Paris cherche à redevenir audible à Alger sans aliéner Rabat. Mais ce jeu d’équilibre suppose une grande finesse stratégique — et une communication sans faille.

En obligeant Paris à nuancer sa position, Alger montre qu’elle reste un partenaire incontournable. Son poids stratégique, énergétique et humain pèse lourd face à une France fragilisée, en quête de relais d’influence en Méditerranée. La suite pourrait confirmer cette dynamique.

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