Au charbon : Belges, Algériens, Allemands, Italiens, une mémoire partagée entre terre, sueur et silence

Dans l’ombre des galeries, au cœur d’une Europe en reconstruction, ils étaient des milliers à descendre chaque jour dans les entrailles de la terre. Allemands, Italiens, Belges… et aussi Algériens. L’exposition “Le charbon de la reconstruction”, présentée au Bois du Cazier à Marcinelle sous la présidence de Jean-Claude Van Cauwenberghe, met en lumière un pan souvent méconnu de notre histoire : l’apport décisif des prisonniers de guerre allemands dans les mines belges après 1945. Mais à cette mémoire s’ajoute une autre, tout aussi silencieuse et poignante : celle des mineurs algériens.
Originaires d’une colonie française à l’époque, ces hommes sont venus, parfois arrachés à leur terre natale, parfois attirés par la promesse d’un salaire, pour combler le manque de bras dans les charbonnages. Dans les années 1950 et 1960, ils étaient des milliers, souvent affectés aux tâches les plus rudes, les plus ingrates. Invisibles dans les récits officiels, mais bien présents dans la poussière, les coups de pioche, les accidents. Et dans les grèves. Eux aussi ont défendu leur pain, leur dignité, leur vie. Ils seront représentés à cet évènement aujourd’hui samedi à 17h00 par Moncef Mansri, consul général d’Algérie à Bruxelles.
Cette mémoire plurielle, qu’elle soit allemande ou algérienne, raconte bien plus qu’un simple effort industriel. Elle parle de déracinement, d’effacement, de solidarité. D’hommes que tout opposait, mais que le charbon a rassemblés sous terre. Aujourd’hui, alors que l’exposition dialogue avec les enjeux d’une transition post-carbone, il est essentiel d’y inclure toutes les voix. Car le charbon, s’il a noirci les poumons, a aussi tissé une mémoire commune — entre esclavage moderne, espoir d’un avenir meilleur et luttes partagées. Le passé n’est jamais qu’une énergie dormante : à nous d’en raviver les braises pour éclairer le présent.