Paris déroule le tapis rouge à un président contesté : le pari risqué de Macron avec la Syrie d’Al-Charaa

Ce mercredi 7 mai, Emmanuel Macron recevra à l’Élysée le président syrien Ahmed al-Charaa pour une visite officielle présentée comme un “signal d’ouverture” envers une nouvelle Syrie. Mais cette rencontre, première du genre en Europe depuis la chute de Bachar al-Assad, soulève de sérieuses inquiétudes sur la scène diplomatique et auprès des défenseurs des droits humains. En cause : la légitimité contestée d’Al-Charaa, son accession au pouvoir à la tête d’une coalition islamiste, et de graves exactions récentes sur le sol syrien.

Un président non élu, au passé trouble

Installé au pouvoir en décembre 2024 après l’effondrement du régime d’Assad, Ahmed al-Charaa n’a jamais été élu par un processus démocratique. Sa coalition islamiste est accusée d’abriter dans ses rangs des combattants liés à des groupes extrémistes, dont certains affiliés à Daesh selon plusieurs sources occidentales.

En mars dernier, des massacres dans l’ouest du pays, ayant fait près de 1 700 morts parmi les minorités alaouite et druze, ont été documentés par plusieurs ONG. À cela s’ajoutent des sévices infligés à des civils, des arrestations arbitraires et des tensions intercommunautaires qui mettent en doute la capacité — ou la volonté — du régime d’assurer la protection des minorités.

Une diplomatie française sous tension

Malgré ces éléments troublants, l’Élysée affirme vouloir “soutenir la construction d’une Syrie libre, stable et souveraine”. Le président Macron entend rappeler à son homologue syrien “ses exigences” en matière de stabilisation régionale, de sécurité du Liban et de lutte contre le terrorisme. Mais cette posture apparaît paradoxale pour de nombreux observateurs.

“Recevoir un président soupçonné de liens avec des groupes jihadistes au nom de la lutte contre le terrorisme, c’est un message pour le moins confus”, estime une source diplomatique européenne. “C’est une tentative de dialogue qui risque surtout d’être perçue comme une légitimation.”

Un pari stratégique à haut risque

L’Élysée justifie cette rencontre comme une étape indispensable pour influencer le cours de la transition syrienne. Mais cette stratégie reste périlleuse. La France, historiquement proche de l’opposition démocratique syrienne, pourrait se voir reprocher une forme de complaisance. D’autant que la communauté internationale reste divisée : Israël, notamment, a récemment intensifié ses frappes sur le territoire syrien, dont une près du palais présidentiel de Damas, en réponse aux violences contre les druzes.

L’image de la France en jeu

Cette visite pourrait ternir l’image de la diplomatie française, qui se pose traditionnellement en défenseur des droits humains. Plusieurs ONG et représentants de la diaspora syrienne en France prévoient des rassemblements ce mercredi pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une trahison des valeurs démocratiques.

“Ce n’est pas une main tendue, c’est un chiffon blanc brandi devant les bourreaux”, résume un militant franco-syrien joint par téléphone.

À l’heure où Paris cherche à jouer un rôle clé dans la recomposition du Moyen-Orient, cette réception pourrait se révéler un acte de realpolitik lourd de conséquences. Le pari est clair : miser sur le dialogue pour espérer peser. Mais si Ahmed al-Charaa ne montre pas rapidement des signes tangibles de réforme, ce choix pourrait vite se retourner contre la France.

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